Slam, spoken word, etc.
La carcasse de Grand Corps Malade est désormais habituée des plateaux télé, des grandes salles, et son disque se vend bien.
Il en fallait bien un, le slam est devenu suffisamment bien implanté en France pour qu’un de ses représentants accède aux projecteurs. En un sens le slam n’a pourtant rien de nouveau, et les textes scandés ont une histoire déjà longue sous différentes appellations. Mais ça ne perce que maintenant.
Le slam, c’est de la poésie. Tout simplement. La seule différence avec le rapport traditionnel à la poésie est que le texte est ici prononcé, voire scandé, le slam est par définition oral là où l’on a plus l’habitude que les poèmes imposent uen relation à l’écrit. Il va de soi que ces textes sont écrits, même si l’improvisation peut exister, lorgnant alors sur le freestyle des rappeurs.
L’album de Grand Corps Malade contient des accompagnements musicaux, mais le slam peut s’en passer. Pourquoi ne pa dire “poésie”? A cause de l’oral, déjà, mais je suppose que “poésie” ramène généralement le public à ces trucs barbants qu’on devait apprendre par coeur en CM2. La poésie, c’est ringue, ça pue le vieux, alors que le slam, c’est cool, c’est frais, et ça tisse des iens avec le monde du hiphop.
Honnètement, je suis pas fan. Je suis trop attaché à la musicalité des textes littéraires pour apprécier une scansion mollassone ou inexpressive. Simple question de goût, j’apprécie la démarche mais le résultat, souvent moins. Pourtant j’ai du spoken word.
Le spoken word c’est grosso modo du slam, en dehors du nom ce qui change est que c’est plus ancien. Ca part des poètes beat jusqu’à des artistes noirs des 70s comme Gil Scott-Heron ou les Last Poets. Un jour le disquaire de L’oeil du silence m’a conseillé Lawrence Ferlinghetti. C’est un poète beat qui écrit lui-même les musiques qui l’accompagnent, et qui a survécu aux années 70 sans baisser les bras. Je savais que William Burroughs et Allen Ginsburg avaient fait des disques, ce que je trouvais curieux. J’étais simplement ignorant. Ferlinghetti a une belle voix pleine, et maîtrise son art. Mais je n’écouterais pas ça tous les jours.
Poésie et musique donnent lieu à des succès mitigés, si j’en crois la réputation confidentielle de Lou Reed comme auteur. 2 des plus grands chanteurs de leur génération étaient d’abord écrivains avant d’accompagner leurs textes par de la musique. Le canadien Leonard Cohen, excusez du peu, et Gil Scott-Heron dont le premier album est encore quasiment du spoken word. Ca claque, si ce mot n’était asocié aux rappeurs on dirait qu’il a du flow, a sacré wow de flow. Si the bottle est son tube disco-funk le plus connu (une triste histoire de poivrot, mais surtout une parabole du ghetto), son premier titre marquant fut The revolution will not be televised : “You will not be able to plug in, turn on and cop out, because the revolution will be live”. Morceau splendide et brûlot activiste de première bourre. On trouve ce titre sur ses compils mais aussi sur ses 2 premiers albums, notamment le fabuleux Pieces of a man. Cohen et Scott-Heron ont deux univers très différents, mais pour moi ils incarnent tous les 2 le moment où la poésie cesse d’être cantonnée au milieu beat underground et accède au grand public.
Difficile de ne pas voir de filiation entre les Last Poets (et leurs rythmiques osbédantes) et Gil Scott-Heron d’un côté, et les premiers rappers américains qui s’accompagnaient avec le même type de musique, soul-funk. (D’aileurs Iam et NTM ont utilisé Marvin Gaye sur certains de leurs tout premiers titres). Précision utile : Scott-Heron et les Last Poets sont noirs, on peut dnc dire qu’avec eux la poésie cesse d’être un art de Blancs.
J’ai un peu l’impression d’une régression, on abandonne le rap commercial à des types sans textes, ou qui phrasent de manière inintéressante, tandis que le slam mise tout sur le texte alors qu’une représentation en public demande un peu plus que le texte. Il serait dommage que le slam devienne la caution culturelle d’un rap qui n’aurait plus à faire d’effort sur les textes.
Tweet