Related

  • No related posts found.
The Author
Topic: des disques...
Tags: ,

White Chalk : PJ Harvey à la craie indélébile

par arbobo | imprimer | 23sept 2007

J’écris périodiquement, ici ou ailleurs, que je tiens PJ Harvey pour la plus grande artiste rock vivante.
Vous me direz, Cure, les Rolling Stones, Lou Reed, the Who, Neil Young… la liste est longue. Mais en dehors de Young, les autres n’apportent plus grand chose au rock. En tout cas, tous ces grands pour qui j’ai un immense respect, n’apportent plus au rock un élan, une puissance, une inventivité, bref ils ne sont plus des locomotives (Young, lui, s’est toujours gardé d’en être une).

Les seuls qui pourraient disputer à PJ Harvey cette première place sont évidemment Radiohead. A chacun ses préférences, et si je maintiens mon assertion provocatrice (en fait savoir qui est “le meilleur” je m’en cogne le péroné quelque chose de sévère), c’est pour une raison simple. D’abord, PJ Harvey apporte cette puissance toute seule, ce qui est remarquable. Ensuite, elle n’a pas eu besoin de faire ses preuves, à peine arrivée avec son Dry, direct à nos estomacs en 1991, elle s’est imposée comme une des grandes.

Depuis, Polly Jean a d’abord creusé son sillon (le sublime 4 track demos !) puis élargi son horizon, apportant de la texture sonore, des ambiances, des orchestrations, dont ses premiers titres étaient délibérément dépourvus.
Son chant, lui aussi, avait déjà changé, plus enfoncé et inquiétant dans son chef d’oeuvre To bring you my love, ou plus mélodieux dans Stories from the city, stories from the sea.
Malgré tout, White chalk (”craie blanche”) qui sort le 24 septembre, donne une impression de franche nouveauté. On nous a changé Polly Jean.

S’il y a bien une expression que je n’utiliserai pas, c’est “maturité”. Si PJ Harvey a tout de suite été prise pour ce qu’elle est, la plus grande sa génération, c’est bien parce que tous ses disques sont d’une impressionnante maturité. La rage de Dry, ses arrangements réduits au minimum, ses accords simples, tout ce qui fait que ce disque reste l’un de ses tout meilleurs, ne sont pas des limites ou le symptôme d’une artiste encore “adolescente” comme on le dit souvent du rock et du punk. Et force et détermination sont aussi présentes que toujours sur White chalk. Fin d’aparté.

Mais on dirait que White chalk confirme ce qui était en germe dans ses albums précédents, la puissance reste intacte, mais l’énergie prend une autre forme. PJ Harvey nous avait un peu fait douter, avec Uh huh her (2004), de sa capacité ou sa volonté de faire progresser encore sa musique. Mais après ce retour aux sources, bon sans être génial, elle est repartie de l’avant. Et c’est peut-être son chant qui traduit le plus cette nouveauté. Un chant plus léger, épithète qui lui convenait si mal naguère. Un chant de tête voire parfois en voix de fausset (rien à voir avec chanter faux, je vous le rappelle), qui vous fera peut-être penser à Jeff Buckley, Lisa Gerard ou à Radiohead plus qu’à ses précédents albums. Un poil de réverbération accentue la différence avec le chant qu’on connaissait d’elle, et qui se fait ici brumeux, onirique. Sur Broken harp, elle entame même a capella, avant de dédoubler sa voix (le voice over, i.e. doubler soi-même sa voix, est décidément devenu une des marques de l’époque).
Ici, ne cherchez pas trop la guitare ou vous serez déçus. Or comment être déçu par ce disque magnifique. Pas de batterie, hormis quelques coups de balais dans Silence ou the piano et ailleurs quelques coups de tambourin. Quasiment pas de guitare, ou alors utilisée de façon à rappeler un oud, et même le violon se fait rare. Le piano est le socle de ce disque, souvent seul, d’accords plaqués en notes répétées et en arpèges aériens. En particulier une fine pluie de la main droite sur le refrain de Grow grow grow, qui renvoie subtilement à l’inégalé Lady grinning soul de Bowie. L’exact inverse de To bring you my love, construit en voix grave sur guitare. Mais comme PJ n’a pas renié son écriture ni sa composition, on retrouve des structures et une patte musicale qui sont bien les siennes depuis toujours. Ce disque était en germe sur le touffu Is this desire, où déjà la piano venait équilibrer la guitare au centre d’orchestrations fournies. Fournies, mais toujours rock. Ici, le plus rock reste le nom des musiciens qui ont contribué à l’album, Eric Drew Feldman (croisé chez les Pixies) et Jim White (des Dirty three et aussi associé à Cat Power).

PJ Harvey n’est pas de ces artistes protéiformes dont Bowie est le mètre-étalon et Beck un exemple-type. Elle ne change pas d’univers, ne visite pas de nouveaux styles, elle élargit et reforme son espace à elle. Après un disque avec John Parish, un avec Pascal Comelade et un paquet de collaborations, après avoir composé la moitié d’un album de Marianne Faithfull (le très beau Before the poison), elle se nourrit ici des autres après les avoir nourris. Paradoxalement, les côtés médiévisants ou oniriques “hors du temps” de ce disque collent assez à certains des disques les plus intéressants du moment, alors que ses précédents donnaient l’air de ne donner prise à aucune mode. Et pourtant ce disque est là pour durer.
Elle dont la musique n’avait qu’une patrie, le rock, et qu’une devise, le rock, nous offre avec White chalk un grand voyage, sans brutalité ni cavalcade. Une forme de lenteur donne à ce disque une impression de léger ralenti. Nous avions l’habitude d’un rock qui vient à nous, ici on a des chansons qui nous embarquent, le “ici et maintenant” ont fait place à “quelque part, en des temps indécis”. Je laisse de côté les nombreux noms qui me sont venus à l’esprit en écoutant ce disque, car je ne voudrais pas accréditer l’idée qu’il sonnerait “moins” PJ Harvey que les 7 qui l’ont précédé. Cette PJ là, nous l’avions déjà entraperçue, avec the river ou Horses in my dreams.

White chalk, écoutez le. Il se pourrait bien que ce soit l’autre grand album de PJ Harvey, après Dry et To bring you my love.

A la réflexion, PJ Harvey a tout de même un défaut, et pas des moindres. Ses concerts sont trop chers. Pourtant, si des places de 52 à 79 euros sont à votre portée, je vous incite à aller au Grand Rex le 16 novembre, pour assister sur scène à sa métamorphose. Et playlist de la semaine sur mon player (à droite).



Comments

1 Commentaire


  1. 1 arbobo on novembre 23, 2009 22:58

    Beau texte, vraiment, qui témoigne que tu connais vraiment bien la PJ et sa discographie… Ce qui n’est pas le cas sur un blog dont je tairai le nom, où j’ai pu lire il y a quelques jours, que la guitare de Polly Jean était toujours aussi présente, aussi tendue… Visiblement, l’auteur du billet n’avait pas écouté le même disque que nous…
    C’est marrant, les anciens titres que tu cites (comme The River), c’est vraiment ceux aussi qui me restent de ses albums tous magnifiques (petit bémol moi aussi sur l’avant-dernier qui, effectivement, donnait une petite impression de sur-place).
    L’album, donc, je l’ai déjà pas mal écouté… Et je ne peux m’empêcher d’être un tout petit peu déçu… Au fond de moi, je préfère la PJ rock, rageuse et étrangement sexy, mais le renouvellement était à ce prix… Donc, c’est bien… On la reconnait malgré tout et tu as assez raison quand tu dis que White Chalk se nourrit aussi de ce qu’elle a pu composer récemment pour d’autres…
    Mais je n’aimerais pas qu’un disque de PJ devienne une de ces “musique papier peint” que l’on met en fond sonore, parce que c’est calme, apaisant (quand on ne comprend pas les paroles), inoffensif.
    Quoi qu’il en soit, je reste absolument d’accord avec l’entame de ton texte.
    Et je ne sais toujours pas si je débourse 50 euros pour la voir au Grand Rex…
    Commentaire n°1 posté par Ska le 23/09/2007 à 11h47

    merci ska ^^
    je ne suis pas certain que le calme de ce disque soit si serein que ça, les atmosphères sont chargées et le côté très onirique à tendance à me happer.
    En outre j’ai pu m’apercevoir en essayant de l’écouter une ènième fois dans les transports en commun que c’est peine perdue. Dès qu’il y a du bruit, on n’entend plus rien, contrairement à d’autres musiques qui peuvent servir de bruit de fond, là on a l’impression qu’il n’y a pas de disque.
    Je comprends que tu regrettes la PJ brutale, elle est tellement sidérante dans ce registre.
    en revanche je crois que White chalk est l’un de ses disques les plus exigeants pour l’auditeur, et j’aprécie qu’elle ait retrouvé ce défi là, qu’elle nous impose à nouveau cette exigence.
    Commentaire n°2 posté par arbobo le 24/09/2007 à 11h23

    Whaou ! 3 extraits seulement écoutés et je suis scotchés. Ca va être dur d’attendre ma prochaine sortie de mon fond de forêt pour enfin écouter tout l’album. Malsain, dérangeant, du Radiohead (Amnesiac un peu) ou les premiers Cocteau (Garlands) m’avaient apporté ce mélange de malaise et de voix aérienne, de radicalité et de déchirement aérien. Vindiou, même si je préfère ses brûlots du début, elle rachète les 4 albums moyens voire nuls qu’elle a chiés depuis 10 ans. Cool. bb4
    Commentaire n°3 posté par Christophe le 24/09/2007 à 12h27

    sur deezer on peut entendre tout l’album, christophe, c’est un
    début. Je savais que ça te plairait :-)

    quant-à ma playlist sur cette page, je l’ai construite pour montrer le subtil mélange continuité/nouveauté de white chalk avec le reste de ses disques. Pédagogique, si l’on veut. D’où l’absence de mon titre préféré, Dress.
    Commentaire n°4 posté par arbobo le 24/09/2007 à 12h41

    Eh bien, voilà, j’ai commis l’irréparable… J’ai pris ma place…
    Ça se passe mieux quand on se dit que c’est la plus grande, que ce sera exceptionnel, et que ce n’est jamais que le prix de deux concerts moyens…
    Commentaire n°5 posté par Ska le 24/09/2007 à 16h52

    Stéphane Davet a sensiblement le même ressenti que moi :
    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-958812@51-918731,0.html
    Commentaire n°6 posté par arbobo le 24/09/2007 à 17h04

    ah ? ça marche maintenant ?
    ça n’étonnera pas grand monde si je dis que je préfère PJ en rockeuse, sans diamants, mais pourquoi pas avec une ceinture de petites voitures comme la dernière fois que je l’ai vu ;-p

    n’empêche que dans l’ensemble j’aime bien ce disque, qui donne envie d’être découvert au calme. Dans l’ensemble seulement parce qu’il y a quelques chansons que je n’aime pas, mais alors pas du tout, comme The Mountain par ex., c’est presque épidermique !

    Finalement, le grand rex ira bien à l’atmosphère de l’album
    yapukapriépourleson ;o)
    Commentaire n°7 posté par rififi le 24/09/2007 à 21h03

    Bon, je viens d’aller écouter des trucs sur Deezer, et là j’ai juste envie d’être quelques jours en non-travail pour combler cette lacune qu’est ma méconnaissance de PJ Harvey…
    Commentaire n°8 posté par Ama-L le 24/09/2007 à 23h25

    over-blog est en plein binz (j’ai envie de dire comme à chaque upgrade), mais les comm finissent par s’afficher.

    ama-l, je dois pouvoir t’aider à réviser ^^
    (même si j’ai pas absolument tout, non plus, faut pas déconner)
    Commentaire n°9 posté par arbobo le 25/09/2007 à 10h52

    exactement, ska ;-p
    Commentaire n°10 posté par arbobo le 25/09/2007 à 10h53

    Très bel article, sur PJ… dont je suis moi aussi un inconditionnel. Je viens juste d’acheter hier l’album… (il a fallu que je me retienne de ne pas la télécharger avant, mais pour certains comme PJ harvey, Radiohead ou encore Nick Cave, j’aime attendre d’avoir le véritable album entre les mains…)
    Il est encore tôt pour que je m’en fasse un avis plus net, tant cet album est déroutant. Mais pour l’instant, je suis assez fasciné…
    Par contre, je ne partage pas les réserves - voire la déception - de plusieurs sur Uh Huh her, qui est pour moi rien moins qu’un de ses tous meilleurs albums !
    Commentaire n°11 posté par G.T. le 25/09/2007 à 13h28

    salut GT,
    les préférences divergent sur PJ, ce que je trouve normal puisque ses disques ressemblent rarement aux précédents. C’est justement ça qui m’a un peu déçu avec Uh huh her, cette impression que ska qualifie mieux que moi, de “surplace”.
    Avec White chalk, aucun risque de ce genre.
    Plus je l’écoute et plus je le mets effectivement parmi ses 3 plus grands, avec Dry et To bring you my love.
    mais à la limite peu importe le classement, ce disque enthousiasme tout le monde et c’est le principal.
    Commentaire n°12 posté par arbobo le 25/09/2007 à 14h05

    Très belle article en effet. Ce disque est magnifique, éthéré et aérien. C’est une véritable réussite, de l’émotion à l’état pur. Pour moi (voir ma critique sur mon blog), elle est devenue une conteuse incroyable qui nous fait entrer dans son univers, mystérieux, parfois terrifiant, mais il est tellement agréable de s’y perdre…
    Commentaire n°13 posté par papito le 26/09/2007 à 09h07

    Oui, cet album est fascinant, il a cette accroche qui donne envie de recliquer sur play à chaque fois qu’il s’achève.

    Je confirme, très bel article. Juste, la batterie est plus présente que tu ne le dis, presque sur tous les morceaux, mais très légère. Et puis il y a aussi une harpe omniprésente qui donne une très belle couleur à l’album…

    Bon, j’y retourne, la fin de Silence m’attend…
    Commentaire n°14 posté par frisson le 05/10/2007 à 14h31

    j’aurais pu parler plus de la harpe en effet :-)
    merci pour les compliments ^^
    Commentaire n°15 posté par arbobo le 05/10/2007 à 15h52

    Hello. Bel article oui. Rien à ajouter. Si ce n’est qu’il faut vraiment que j’écoute ce disque !
    Commentaire n°16 posté par sylv le 06/10/2007 à 15h45

    salut
    eh ben moi j’ai lu cet article en écoutant le radiohead que je viens d’acheter 4 £ sur internet. Donc, je peux parler du PJ que je veux aller acheter à la fnac bastille cet aprèm. Sinon, bordel de merde, il y a déjà plus de place au grand REX de mes couilles. Et pas question que j’aille à Bercy ou au Z&nith de mes couilles encore. Le samedi, j’ai pas grand chose à faire, alors je parle beaucoup de mes couilles. Excusez ma grossièreté. Sinon, le radiohead ressemble à du radiohead. C’est la troisième fois d’affilé que je l’écoute au casque pendanrt que ma femme à côté de moi révise son droit pour son exam d’EJE.
    Vous me faites assez peur sur le PJ quand je vous lis. Faut que j’aille écouter ça.
    Commentaire n°17 posté par arnaud le 13/10/2007 à 14h55

    affronte ta peur arnaud ^^
    mets tes couilles au chaud et fonce sur le PJ !
    je te racongterai le concert, va ;-)
    Commentaire n°18 posté par arbobo le 13/10/2007 à 15h04

    Il y a un petit problème dans tes liens vers deezer… tu as mis deux fois le titre Bowie, qui apparaît quand on clique sur “Grow, grow, grow”… Certes, il y a une similitude qui est pas mal vue… mais les deux titres ne sont pas semblables au point qu’on puisse remplacer l’un par l’autre :-)
    Commentaire n°19 posté par G.T. le 16/10/2007 à 02h33

    merci GT, j’ai corrigé cette erreur de copier-coller ^^

    rassure-toi, je ne risque pas de remplacer l’un par l’autre, je veux les deux :-)
    Commentaire n°20 posté par arbobo le 16/10/2007 à 10h31

Name

Email

Site web

Commenter

XHTML: Balises possibles: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>


Subscribe

Tags

Archives

Par Date

Par categorie