US girls, 52e étoile du drapeau
De la musique en noir et blanc, pour tous ceux qui voient la vie en gris. Go grey, disent les US girls, et c’est ce qu’on fait.
Tous les mots qui viennent à la bouche colleraient à du rock industriel, alors non, remballer, remettre une couche de gris mais pas celui-là. Pas celui de l’acier trempé ni des scies rotatives, pas celui de la riveteuse et du fer à béton, pas ce gris là. Des foutraques en chemises à jabot chantaient Whiter shade of pale, mais savaient-ils l’infinité des nuances du gris?
US Girls, un nom tout sauf patriotique, une musique pas faite pour le plaisir. Gris ciment, gris poussière, comme si Megan Remy avait passé sa vie dans les souterrains de la ville, ne connaissant de Philadelphie que les résonances assourdies du trafic, des sons salis par la traversée des soupiraux.
Turnaround time
Dans cette crasse urbaine Megan trouve sa propre poésie. Sublimant la ville comme Dos Passos avant elle, elle ralentit l’agitation urbaine, en tire une beauté étrange à l’abri du temps. Ses collages évoquent les avant-gardes du XXe siècle, et sur un 45t introuvable elle cite même Yoko Ono, artiste crossover, new yorko-japonaise, alors que la pochette de Go grey évoque à chaque vision les énigmatiques Nisennenmondai. Surréalistes de tous pays, unis vous êtes. Noise, déstructuré, post-quelquechose… post-music si vous voulez.
Avec US girls on retrouve le frisson qui nous parcourt à l’évocation du Manhattan interlope des années où nous sucions notre pouce, celle des squats à Chelsea et de l’errance de Basquiat, les années Television où le CBGB servait de point de rendez-vous, l’invention permanente du futur. Les transes de Megan et le tunnel qu’elle perce dans notre tête font naître des images de nulle part. On est pris dans une curieuse abstraction qui caresse la peau, une géométrie envoutante. Et quand des forges de Vulcain survient la lente vague des percussions, le corps prend le pas sur l’esprit.
On ne saura jamais décrire Go grey, on sait seulement qu’il est encore plus fort que l’Indtroducing auquel il succède. On sait que notre détestation des voix trafiquées s’arrête aux portes de ce disque où elles ne sauraient sonner autrement. On sait que ce son sale de garage installé sous le métro aérien charrie toute la rouille du rêve américain et qu’on trouve ça terriblement poétique. On sait qu’à elle seule elle nous fait perdre instantanément tout repère.
On ne sait pas grand chose décidément, mais on avait hâte de le partager avec vous.
Go grey est paru en mars chez Siltbreeze, il est disponible en ligne ou en import vinyl
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