Une année 2011 (4), le bilan. Vieux coucous, jeunes loups et nouvelles frontières
Bien que vous n’ayez d’yeux, logiquement, que pour le top 50 des disques de l’année, on se réchauffe les pattes en tapotant un bilan de l’année écoulée.
Du nouveau dans le réseau
Bilan personnel d’abord. On avait terminé 2010 entre grognements et regrets, mais aussi avec de bons moments de radio grâce à Valérie Chrétien sur Idfm. C’est sur Le Mouv’ qu’on a passé quelques moments bien sympa au premier semestre, invité pour des chroniques en direct dans le Midi-deux de Philippe Dana et Amaelle Guitton (qui, depuis a récupéré la matinale), avec même un duplex depuis Rome qui nous a bien amusé. Année de collaborations donc, car à notre participation à Dans le mur du son, s’est ajoutée notre intégration à la nouvelle formule, collective, de Playlist society, pour laquelle on a même retâté de la chronique littéraire pour la première fois depuis des lustres.
Bilan d’arbobo.fr, aussi. Outre nos très chers et maintenant habituels comparses, Chrystèle, Rififi, Arnaud, Christophe, de nouvelles têtes ont sévi ici. D’abord une jeune et brillante photographe, Johanna Benaïnous, avec qui nous avons rencontré Anthony Joseph, ainsi qu’une chroniqueuse de concert, Sof.
Et en 2011, on a ouvert grand les portes pour des séries dont nous ne sommes pas le héros. Une semaine consacrée aux scènes de province (on compte remettre ça en 2012), vous a permis de lire ici Mickael Choisi de Crystal frontier, Nathan Fournier de Brainfeeders & minfuckers, Klak de Bang bang, et Mmarsup de Little reviews.
Ouverture encore pour notre série consacrée au silence, où l’on a accueilli Cattnat de Heaven can wait, et Benjamin de Playlist society.
Peu d’interviews maison cette année, mais de choix, avec Lena Deluxe, Susheela Raman, et Anthony Joseph. Voilà qui nous a fait passer la cinquantaine, mine de rien ^^
Emporté par notre élan, on s’est même fendu de réflexions inutiles sur ces nouvelles oeuvres qui défient le temps.
Côté voyages, en dehors de la semaine consacrée aux scènes de province, on a séjourné à Niort pour le festival Nouvelle(s) Scène(s), à Rome où l’on a vu du punk, et à Londres pour un récit en images.
Une fois n’est pas coutume, on n’a pas assisté au festival des Inrocks, mais pour se consoler, en plus de Niort on a été au BB Mix de Boulogne, à Rock en Seine, à Belfort, au Mo’Fo, et bien entendu Les Femmes S’en Mêlent qu’on essaie de ne jamais rater !
Alouette, je te plumerai
La chasse aux nouveautés, c’est un miroir aux alouettes. Et une fois qu’elles sont venues s’y cogner le bec le premier, elles ont l’air moins malin. Nous, pareil, on a foncé tête baissée (entre 400 et 450 disques 2011, on a arrêté de compter).
On a été déçu, déçu, par plein de trucs. Par un Radiohead un peu fade, et un PJ Harvey moins dense que d’habitude (et franchement chiante sur scène, comble de la déception). Par le nouveau Keren Ann, de plus en plus radieuse sur scène (splendides concerts !) mais dont 101 ressasse un peu les vieilles recettes, tout comme notre chérie d’amour Joan as police woman n’a pas été à la hauteur de notre longue idylle. Mais, amoureux déçu, on ne demande qu’à être reconquis ;-)
On a aussi vu des baudruches se dégonfler, comme Zola Jesus qui n’est que pas mal alors qu’on la croyait excitante, tout comme St Vincent, Bon Iver, les Fleet Foxes, ou Alela Diane, dont les disques entre le passable et le franchement médiocre ont fait baisser de plusieurs crans l’estime artistique qu’on leur portait. Quant-à Anna Calvi ou Wu Lyf, on n’a toujours pas compris comment autant de gens de bon goût pouvait aimer des trucs aussi fades ;-) Ils en auront autant à notre égard, c’est certain (c’est le jeu, et c’est le fun si l’on n’y met pas trop de sérieux).
Jeunes colombes et vieux messieurs
En 2011 on a entendu des gratuits très classieux (Manicure, Teletextile, Mirror face), et vu ressortir des livres d’histoire pas mal de visages d’antan qui s’en tirent glorieusement (Kate Bush, Catherine Ringer, Hans Joachim Roedelius), honnêtement (les Feelies, Ivy, Wire, Kravitz, Tommy Guerrero…), mais parfois de manière si honteuse qu’on préfèrerait oublier les dégâts (Blondie, Erasure, Gang of four, Noel Gallagher, voire les Beastie boys). Vivre vite, mourir jeune ? A d’autres! Le rock conserve, regardez plutôt Wire ou Mc Cartney qui s’est même fendu d’un disque de musique « classique » (pas mal, d’ailleurs). La première bonne surprise, c’est que Neil Finn en a fini avec Crowded house qui tournait en rond, et que son nouveau projet Pajama club tient joliment la route. Et puis il a cette résurrection, d’Emmanuelle Parrenin, surprenante et envoûtante.
Pour les émotions extra-musicales, la mort de Cesaria Evora laissera sans doute plus de vide que celle, effective depuis des années, d’Amy Winehouse, tandis que la longue union entre Kim Gordon et Thruston Moore prenait fin. Le plus gros chagrin, le seul qui nous a franchement mis un coup, c’est le dernier souffle de Gil Scott-Heron, parti après un dernier album sépulcral et ombragé par la beauté du diable.
Pour compenser ce faux-air de maison de retraite de la pop, il y a de nouveaux noms. Celui, déjà presque trop vu, de Lana Del Rey, inégale mais pas dénuée de charme dans son rôle de nouvelle Nancy Sinatra. Celui de Hanni El Khatib, Erevan tusk, ou d’Unison. On n’a pas tellement flashé sur des premiers disques cette année, à dire vrai.
Découvertes maison
Dans notre quête d’artistes dignes d’intérêt mais inconnus ou presque des radars français, on a fait de belles pêches en 2011. On a sorti du néant la new wave de Manicure, et le mélange foutraque de Za !
On a accordé leur premier article francophone aux australiens Kins et aux néo-zélandais Pajama club, et vu sortir le nouveau disque de nos « protégés », le Konki duet, Big crunch theory de Lisa Li-Lund, Digits, Neighbors et aux turcs Fuji Kureta.
Les spécialités world food arbobo.fr, ce sont aussi Pony bravo, Graciela Maria, Roedelius & Schneider, Tetine…
Et puis l’ancien leader de Koko von Napoo, Clara, a sorti un joli single en tant que Exotica.
Appaloosa a publié de nouveaux clips, dont un Jumping on beds à vous faire péter joyeusement les ressorts de toutes les chambres d’hotel :-)
Banalités
Côté style, on aura bien du mal à faire émerger une tendance de cette année fourre-tout, encore plus que l’an passé. Le côté « guitare grasses » se confirme avec Hanni El Khatib ou Bass drum of death. La pop à violons se porte mieux que jamais, My brightest diamond, ou Thurston Moore ne diront pas le contraire. Cette année, on aura écouté plus d’électro que les précédentes, de la plus club (Gui Boratto) à la plus austère (Demdike stare) ou la plus vaporeuse (Roedelius & Schneider). On s’est même remis à écouter des nouveautés de jazz, au point d’en faire un article ;-)
Banals les sons 80s (l’excellente BO de Drive), banal le son garage, banal le revival psyché (the Oscillation, notamment) et krautrock (les mêmes, et un peu Trunks), on peine à voir se dessiner une tendance 2011, car ce qui rend banales ces résurgences du passé c’est qu’elles battent leur plein depuis des années. Avec peut-être une montée en régime de la new wave/post punk (représentés dans notre top par Velvet condom ou Manicure).
Banales aussi, toutes ces femmes en solo, ou leaders, voire dans des groupes exclusivement féminins (Konki duet, Dum dum girls, OOIOO…). Le mouvement s’est fait progressivement, grâce à des figures comme PJ Harvey, L7, les Breeders, puis Cat Power, Björk… Avec pour corollaire que la détestable expression “disque de fille” ou “rock féminin” a de moins en moins cours. On pourrait objecter la surreprésentation des femmes dans la pop piano/guitare et voix (Kate Bush, Big fox, Anna Calvi, Sophie Hunger) ou dans le folk peu orchestré (Mirel Wagner cette année, Marissa Nadler, Alela Diane…). Mais c’est aussi qu’il sort beaucoup de disques, tout court, et on pourra rétorquer Fleet foxes, Ensemble, Jay Jay Johanson, ou Anthony & the Johnsons. On pourra aussi mentionner Jesse Sykes, Battant, the Gossip, ou Izia, comme autant de contre-exemples. Voici venue la banalité, et c’est tant mieux.
Banalité encore, la part croissante d’artistes français dans nos sélections de fin d’année. Il y a peut-être un biais, on reçoit plus de disques promo de français (quoique…), on en découvre plus en première partie de concerts (quoique… bis). Mais la vraie raison n’est pas là. Même la tendance historique à négliger la qualité du chant s’affaiblit. Pour preuve Mina tindle, Laetita Sheriff, Phospho, Erevan tusk, Izia encore.
Tous les styles ont été digérés, les complexes se sont envolés, et de ce trop plein de culture quelquefois trop sage (Revolver) ressortent de vraies pépites, fortes, originales, qui expliquent que des 12 disques français de notre top50, pas deux ne se ressemblent le moins du monde.
Nouvelles frontières
Mais le plus chouette, c’est de voir que la boussole s’affole. La pop anglaise, le rock américain, l’électro allemande, le funk US, ont décidément perdu leur monopole, et si l’on s’échine à dégoter aux quatre coins du globe de nouvelles trouvailles, c’est un peu par snobisme mais aussi parce que, pour de bon, on y trouve de l’excellent et de l’excitant.
Jamais je n’ai écouté autant d’espagnols, l’an dernier déjà, et cette année Za! et Pony bravo, sans compter des chiliens, des mexicains, bien que je ne pipe pas mot d’espinguoin. D’où une playlist espagnole publiée ici. Les cartes de notre monde musical 2011 sont encore plus riche que celle dévoilée ci-dessous par notre top 50. Il faudrait y ajouter Japon, Nouvelle-Zélande, Finlande (le corps mince de Françoise), Portugal (Buraka som sistema), Cambodge (Dengue fever)…
La “sono mondiale” chère à Jean-François Bizot est une réalité, et c’est souvent de là que vient l’inspiration, le renouveau. Même si ce n’était pas le cas, la pop est devenue lingua franca et c’est bon signe pour le dialogue des cultures et la curiosité de tous. C’est le principal. Vous pouvez comparer le carte du top 2011 avec celle de l’année 2010 ici et là. On dirait que le monde s’est élargi entre temps :-)
Pour finir, on a cru un moment, en début d’année, que 2011 allait être une année sensuelle. On vous proposera ce week-end quelques playlists qui vous permettront de vérifier par vous-même cette prédiction !
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Une année 2011 (1) : les recos des potos
Une année 2011 (2) : carré d’année haut (le top 4)
Une année 2011 (3) : 50 disques à emmener sur les îles (même les non-désertes)
Une année 2011 (5) : le son bande encore (les compiles 2011)
Hello!
comme toi de plus en plus de français ces dernières années, et 2011 particulièrement (dont un majestueux Trunks découvert chez toi). je m’interroge: qualité en hausse ou écoute plus attentive de la production hexagonale combinée à l’intérêt déclinant pour les grandes figures anglo saxonnes des 90’s-00’s ?
on va dire un peu de tout ça ^^
On se disait il y a quelques jours que la mort la plus marquante avait été celle de Scott-Heron et qu’au final, c’était la seule qui ne figurait dans aucune rétrospective tv, culturelle etc.
Sauf ici bien entendu :)
un sacré souvenir n’est-ce pas, sensi :-)
normalement, les playlists arriveront dans la semaine, 4 en tout ;-)
Article bilan bien chouette et jolie carte du monde musical Arbobo! Je me demandais quels blogueurs avaient été assez malades pour promouvoir “Za!”. Maintenant j’ai ma réponse… :D Bon par contre je suis pas mal déçu, dans la mesure où dans tes vœux tu nous présentes un vélo malgache tu aurais au moins pu nous trouver un groupe qui vient de là bas. En 2012, belle année en vue, ta mission ce sera (si c’est trop difficile, tu as le droit de te rabattre sur un album Botswanais).
merci Brimstome !
pour le Botswana je me mets en chasse de ce pas :-)