un “core” en “core”
La presse anglaise a un génie inégalé pour créer de toute pièce des noms de genre ou sous-genres musicaux.
Les plus décriés par les artistes eux-mêmes sont, évidemment, deux appellations ayant connu un destin prospère, “acid-jazz” et “trip-hop”, du milieu des années 90 au début des années 2000.
Obsédée par la nouveauté, la presse musicale anglaise passe son temps à nous la vendre comme les nouveaux génies. Notez qu’en foot français c’est un peu la même chose, on ne compte plus les “nouveaux Zidane” qui n’ont jamais justifié cette flatteuse comparaison.
Je ne leur jette pas la pierre, la musique évolue, les noms de genre ou de courant peuvent aider à s’y retrouver. Et peuvent aider à parler des artistes sans systématiquement utiliser les mêmes étiquettes attrape tout. Evidemment, avec “pop”, “rock”, et “chanson”, on couvre la plupart des artistes dont on est susceptible de parler ici-même. Mais c’est parfois un peu vague, et j’ai même cédé à un petit énervement en voyant l’attribut “folk” appliqué à quantité d’artistes qui ne le sont pas.
Les musiques électroniques ne sont pas en reste, on a depuis quelques années le dubstep, la grime, la drone, quant-au two step je ne sais pas trop où il en est… Et encore, croyez bien que je simplifie, ou du moins que je vais pas autant dans le détail que je pourrais.
Il y a une appellation américaine qui n’a pas eu bonne fortune chez nous : slowcore. Elle a pourtant le mérite de rassembler des artistes dont les points communs existent bel et bien. Ni très rock, parce que trop lent et trop doux pour en être complètement, ni exactement pop parce que la mélodie et la construction des morceaux s’en éloignent, pas spécialement folk malgré le recours majoritaire à la guitare…
On souligne souvent leur minimalisme, leur talent pour les atmosphères, leurs tempo entre-deux, et une production régulièrement sous-mixée (comme si on chantait et jouait de la guitare un peu éloigné du micro, et les volumes plutôt faibles) aux antipodes du rock accrocheur.
Autant de définitions qui s’appliquent très bien aux premiers albums de Cat Power par exemple (tout ce qu’elle a fait avant The Greatest). Ou à Elliott Smith. Ou bien d’autres, même si la liste proposée par Wikipedia sera logiquement critiquée par les amateurs (j’enlèverai d’emblée Shearwater et Slowdive, notamment).
Mais peu importe. Si les frontières sont floues, tant mieux, on ne va pas s’étriper pour savoir si on met Dominique A dans le rock ou dans la chanson, le principal reste qu’on ne caricature pas son travail singulier.
Slowcore, donc (certains parlent aussi de “sadcore”). Une appellation construite en miroir de “hardcore“.
C’est amusant comme “hardcore” a fini par prendre une signification insoupçonnable au départ. Par “noyau dur”, on désigne en anglais soit ce qui correspond strictement à une définition, une démarche, contrairement à ceux qui en sont aux marges (Dominique A n’est pas dans le “hardcore” de la chanson). Soit il désigne une démarche puriste, voire intégristes diront le détracteurs, on traduira volontiers par “pur et dur”.
De quelle manière le mot hardcore s’est mis à ne plus désigner le purisme mais un “hard rock” encore plus hard que les autres, reste un mystère pour moi. Et encore, il a été concurrencé dans sa radicalité par le “death metal” et autres trucs pas très doux que je fréquente rarement.
Là où le hard (rock) voire la hardcore cherchent à nous retourner les tympans, à sonner avec deux guitares comme s’il y en avait au moins quatre, le slowcore prend le rock en sens inverse. Moins fort, moins dans la puissance sonore, moins dans la course de vitesse. On a un rapport plus intime avec le slowcore, comme en tête à tête, là où le hardcore s’écoute plus facilement à fond, en groupe, si possible en concert ou en voiture (attention à ne pas vous prendre le volant dans les dents en faisant du headbanging).
On comprend que la presse ait trouvé un mot pour cette musique. du rock, elle prend les instrument, les accords, de la pop un sens de la mélodie et de l’expressivité, de la chanson une attention portée aux paroles, du folk un penchant pour le dépouillement et les prestations voix-guitare en solo.
Bancale comme toute appellation, surtout lorsqu’elle n’est pas revendiquée par les intéressés, slowcore a le mérite de laisser entendre ce que Cat Power, Shannon Wright, Elliott Smith, Marie-Flore, ne sont pas. Pas du folk, déjà, au point que certains artistes sont aussi désignés comme le courant anti-folk. A vrai dire on pourrait tout aussi bien mettre les artistes slowcore dans cette catégorie, au croisement du punk et du folk, même si le nom clef reste le collectif Moldy peaches, ou Herman Düne pour la France.
Vous comprenez pourquoi les artistes n’aiment pas qu’on leur demande de définir leur musique ;-)
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C’est trop compliqué, j’ai mal à la tête ^^
Et le slowcore hardcore (dans le sens originel du terme), ça existe ?
Si tu veux dire par là que tu es bon avec nous en nous assommant pas de termes techniques à tous les coins de phrases, nous t’en sommes reconnaissants, ô Grand Mamamouchi !
Quelle belle chose que de savoir tant de choses… ;)
Euh*…. Le miroir de “hardcore”, ca devrait pas plutot etre “softcore”?
Enfin bon, à l’avenir, je propose de créer les noms de genre musicaux avant la musique associée. Commencons par le Punk progressif, le reaggae symphonique et le hardcore lo-fi.
tu veux dire le lo-core ^^
en fait, ce que certains appellent softcore, genre Air, c’est pas exactement du rock, contrairement à doiron, Dawson, etc,
donc d’un point de vue sémantique tu as raison, mais musicalement la relation est plus entre hardcore et slowcore ^^
chenapan, va, tu prends des notes pour un autre billet qui taille les collègues :-)
l’acid-jazz, je l’avais oublié celui là !!
j’ai vraiment jamais compris ce terme, ni quelle musique y appartenaient… à part jamiroquai
un grand mystère
De toutes façons, j’ai décidé de n’écouter que du Death Grindcore progressif (Glam)
jamirqouai n’en faisait pas spécialement partie à mes yeux, en gros c’était le James taylor quartet, le premier Spearhead, Jazzmatazz, et surtout Galliano et les young disciples.
mais leur label phare, Talking loud, et les artistes eux-mêmes, on toujours trouvé que ce terme était une connerie :-)
Si le slowcore s’oppose au hardcore que va-t-on opposer au Nintendocore ? Le SegaCore ?
De même qu’il existe des appellations un peu fumeuse, il ne faut pas oublier qu’elles peuvent également changer de sens au fil des ans et voir leur sens glisser parfois dangereusement. L’emo(core) par exemple qui a un temps qualifié un groupe tel que Fugazi se voit aujourd’hui appliqué à My Chemical Romance (sic).
Pour revenir au slowcore, quid de Low qui est pour moi l’un des plus beaux représentants du genre ?
ah, ils sont pas post-rock?
^^
on est pas dans la merde, les amis…
M’ouais, j’ai vu la liste wikipedia, ça a sa logique, mais il ne faut pas exagérer : que ceux qui aiment Slowdive et ceux qui aiment Talk Talk se retrouvent aujourd’hui chez Cat Power, c’est possible, mais un genre musical se définit généralement sur une série de critères musicaux, pas une ambiance, encore moins une posture commune.
Bon, alors on aura du mal à en dire du mal, tous ces artistes étant d’une certaine qualité, mais je n’y retrouve pas un véritable style musical commun.
“généralement sur une série de critères musicaux, pas une ambiance, encore moins une posture commune”
même la new wave?
voire le punk?
rock, pop, folk c’est tellement large que ça l’est trop, du coup c’est tentant de chercher à identifier des styles pus précis, mais je suis rarement convaincu, du coup vous aurez remarqué que j’en utilise rarement.
la new wave et le punk sont davantage des familles, dans lesquellles cold, dark, electro etc. déclinent, non ?
mais je trouve que cette catégorie est très transgenres musicaux, ce qui a sa logique, sauf celle d’un genre musical.
tu m’intéresses :-)
Low n’est pas post-rock…
“et ça continue en core et en core” Francis Kibrul
“Dans no-core à core” Images
dites y’a un de ces suspense là…
:-)
Low, on va dire que c’est du low-core
et merci yosemite, je me sens moins seul ^^
Chronologiquement Low est antérieur au post-rock… cela dit quand on écoute (au pif) Trust, la différence entre Low et le post-rock ne saute quand même pas aux oreilles ; aussi Arbobo, je te déclare absout de ton péché :-)
Au passage note que le début de cette vieille chronique sur Fugazi partage ton étonnement :-)
http://legolb.over-blog.com/article-20302029.html
ouf, un pas de plus et c’était le barbecue de miches aux enfers ^^
@Guic’ the old “Euh*…. Le miroir de “hardcore”, ca devrait pas plutot etre “softcore”?”
Bin étonnamment non parce que le softcore existe déjà… et c’est plutôt du punk! :-) genre “on fait du skate et on se prend pas la tête, oui mais un peu bruyamment quand même”
voir des groupes comme NoFX, Millencolin, … Voilà…
ah encore une bizarerie du truc :-)
si je comprends bien il y a plusieurs “softcore”,
car entre les vapes à la air et NoFX, on est pas dans le même genre :-)
le rock c’est vraiment un truc de maboul ^^
et merci Cassie pour la précision !
J’essaie d’auditiviser (visualiser par les oreilles) une collaboration Air-NoFX et me heurte à des obstacles incompressibles. J’comprends pas pourquoi! (par contre ça n’empêche pas d’aimer les deux hein)
C’est fort sympathique de se pencher sur ta section “ABC toussa toussa” ;-)
La surenchère dans les étiquettes et les sous-niches m’a toujours fait poiler (je n’évoquerais pas le metal, c’est carrément du mandarin à l’envers pour moi). En ce qui concerne le “slowcore”, le terme m’a toujours fait tiquer, mais il faut admettre qu’à la base, ça désigne des groupes qui ont des parentés évidentes. La lenteur (bah vi), les guitares (avant tout électriques, j’insiste) abrasives mais plombées et étirées, la retenue, la violence contenue, enfouie, latente, des morceaux qui ont des airs de marches à pas comptés, pesés, comme lestés d’un fardeau, une douleur lancinante et increvable… “Et toute cette sorte de choses” (copypright Pop-Hits). Et j’allais oublier : les groupes slowcore écrivent des chansons (alors que le post-rock est dans son immense majorité instrumental, et qu’il est clair que le “slowcore” est une des influences majeures du post-rock). Et c’est plutôt limité dans le temps (90-96, pour l’essentiel)
(c’était la minute : Dahu Clipperton devrait se droguer plus, il est vraiment chiant quand il est net)
Pour le coup, la liste de Wikipedia mélange vraiment les torchons, les serviettes et les culottes de mamie ! J’en vire sans problème les 2/3 (shoegaze, pop, beaucoup de folk), et je garde à coup sûr : American Music Club, Arab Strap en partie, Bedhead (et donc The new year), Smog à la rigueur, Codeine of course, les premiers Idaho, Low bah oui, Mazzy Star pourquoi pas, Red House Painters bien sûûûûr, Songs:Ohia (ça dépend des jours)… et y’a même pas Come dans la liste !
Vu comme ça, il me semble que la parenté sonore saute plus nettement aux oreilles, et aux yeux (faites un comparatif des pochettes, c’est plutôt édifiant).
Après, beaucoup de ces groupes ont laissé entrer de plus en plus de folk dans leur mixture, jusqu’à s’y consacrer quasi-exclusivement (Songs:Ohia, Mark Kozelek en side-pr… en solo ^^). Et s’il y a un disque de “post-rock” auquel le slowcore doit beaucoup, c’est “Spiderland” de Slint, pas les 2 Talk Talk.
Fin de la tartine ;-)
(m’enfin, Arbobo, un article sur le slowcore qui ne cite pas Red house painters ?! ta ta ta ta ta ta ^^)
(et pis le hardcore, ça vient plus du punk que du hard-rock, non ?)
(OK, j’arrête)
question d’interprétation, dahu, pour moi le punk a surtout influencé les avant-gardistes arty que le hardcore, mais je ne suis pas spécialiste.
ravi en totu cas de tes précisions et ajouts, et que tu profites de cet abécédaire :-)
Dahu Clipperton a bien résumé le truc, mon intervention sur ce billet
ne servira qu’à étoffer un peu plus la liste en citant ces quelques
groupes: Bluetile Lounge, The String & Return, Escape The Day (les
allemands, pas les suédois du même nom qui font du métal/dance
plutôt à chier), Cobolt, Early Day Miners (les 2 premiers albums),
C-Clamp, Lowercase et Duster.
bienvenue Mike, j’accueille toutes les précisions à bras ouverts :-)
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