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Tommy Guerrero, Life boat and follies

Les ados de 14 ans rêvent tous d’être Tommy Guerrero. Ce type est skater professionel, est l’incarnation du mec cool, vit en Californie, et vient de sortir son 10e disque, à pas tout à fait 45 ans.

Faire de la planche sans se mouiller, c’est une forme d’élégance en soi, et de Larry Clark à Gus van Sant en passant par la 3e saison de Skins, la preuve s’étale sous nos yeux. A croire que l’expression street culture est née pour des types comme lui. Je serais ado aujourd’hui, je me ferais des t-shirt Tommy Guerrero. Ou je lui en achèterais, parce qu’il connait bien son business. Faut bien payer la wax pour les roulements et le coiffeur qui va bien pour faire tourner les têtes dans les pentes de San Francisco.

Voici la synthèse, en plus cool, que semble chercher Eric Legnini sur son dernier disque, un boogaloo des années 2010 où les percus ont la belle vie. Oublié les chants nu-soul de From the soil to the soul ou Terra infirma, cool mais un peu datés, Tommy préfère la jouer plus à l’ancienne comme du temps de Tiny ou .

Lifeboats and follies, c’est son meilleur album. Pas pour de basses raisons people, pas parce que Money Mark vient tenir les claviers sur Red for green. Sa présence est aussi discrète que naturelle, car on sent des connivences avec l’un des artisans du In sound from way out des Beatie boys, autre album instrumental pas sans rapport avec celui-ci.

Ce disque impeccable tient sur un vrai groupe, la trompette de Marc Capelle, les percus de Tony Sevener, ne sont pas pour rien à sa bonne tenue. Mais ce qu’on a le plus de mal à définir, c’est à quel style Tommy Guerrero à mis les amarres.
Tout est groove ici, et on n’a jamais l’impression de perdre le fil. Pourtant March of masses a du mambo-rock comme on en trouvait chez Santana, le manifique Yerba buena bump est aussi jazzy qu’In a silent way de Miles Davis, Red for green est assis sur une touche de hiphop, Puesta del sol est un boogaloo à l’ancienne avec congas et flûte, The lonely and the only fait semblant de se prendre pour une bossa,  et 6 feet for 6 figures est le petit frère d’un Marvin Gaye période Trouble man. Plus la liste des influences est longue et plus les motifs d’inquiétude s’accumulent.
On n’en est que plus surpris de savourer à ce point ce disque, pourtant encore plus long que ses prédécesseurs (16 titres, contre 12 à 14 le plus souvent).

Au passage, rappelons que l’ombre de Marvin Gaye planait déjà sur la très belle reprise que Tommy donna de Come together des Beatles, un titre dont on compte une bonne centaine de versions, rarement aussi réussies.

Life boats and follies fait partie de ces bande-son imaginaires, son écoute fait apparaître une escouade de Danny de Vito endimanchés, toisant dédaigneusement des mannequins brésiliens aux cheveux infinis, tandis que des couples distendus s’efforcent de se rendre jaloux en embrassant des bouches insipides. et le majordome, direz-vous? Le majordome, stoïque, droit comme un “i” au côté des vieux maîtres de maison, n’en pense pas moins, mais préférerais assister à la dernière compète de skate de son petit-neveu.

Une vraie bande son, ce disque, capable d’évoquer une myriade d’images, et de passer en boucle sans lasser.
On vous laisse profiter de On the west, un titre situé à mi-chemin entre Miles Davis et un film de David Lynch.