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Topic: concerts, transversales
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the Slits, une page d’histoire

par arbobo | imprimer | 28avr 2007

edit 21 octobre 2010 : Ari Up est down depuis hier, triste occasion de ressortir ce billet :-/

Voici d’abord quelques photos du concert des Slits, dans le cadre du festival Les Femmes s’en mêlent. (Plus de photos du concert sur mon flickr).On devrait toujours se relire plusieurs fois avant de poster, faute d’avoir un rédac’ chef pour éviter de publier des billets ni faits ni à faire. Je reprends donc entièrement mon billet précédent, renvoyé aux archives :-)

J’étais jeudi dernier au concert des Slits avec ama-l et rififi. Les Slits ne sont pas le plus connu des groupes punk, dont seuls les Sex Pistols sont restés dans la mémoire collective. Parmi les fans de musique, les Buzzcocks ont laissé quelque trace également. Mais les Slits, dirait-on, sont passées aux oubliettes.

Les Slits tiennent une place un peu spéciale dans l’histoire de la musique. A la fois elles sont atypiques, et pourtant elles illustrent mieux que quiconque le sens des punky reggae parties. Comment punk et reggae ont pu se retrouver main dans la main? Les Slits sont une partie de la réponse à ce mystère.

Des Slits, il faut retenir 4 choses. D’abord que 30 ans après leur formation elles nous ont offert un concert de haute volée, maîtrisé sur le plan musical et bourré d’énergie, de sourire, de plaisir communicatif et bon enfant. Peu de groupes peuvent en dire autant.

On peut aussi retenir l’aspect politique et sulfureux : groupes de filles créé en 1976, la chanteuse Ari Up avait alors 14 ans et la bassiste Tessa 17 ans (au concert de jeudi elles étaient les seules rescapées du groupe d’origine), ce qui explique que pour leur reformation elles aient engagé une très jeune (et excellente !) batteuse et une guitariste talentueuse qui a l’air d’une lycéenne.

Leur nom (”les fentes”) et leurs chansons (Typical girls, particulièrement) délibérément féministes ne les ont pas aidées à se faire accepter partout. Si l’on ajoute qu’elles sont seins nus sur la pochette de la premier album Cut, l’atmosphère est à la provocation. Pas plus, du moins, que chez les autres punks.

Enfin, les Slits sont des pionnières et le plus bel exemple du croisement entre 2 musiques que rien ne semblait rapprocher, le punk et le reggae.

Ce rapprochement n’a rien de ponctuel ou d’anecdotique. Un morceau de Bob Marley, It’s a punky reggae party, est aussi celui d’un concert marquant dont il partageait l’affiche avec the Clash. The Clash, groupe emblématique du punk-rock de haute volée, a aussi flirté avec le reggae et le funk.

Les milieux gauchistes et les fans de ska savent que la relation forte entre ska (ancêtre du reggae) et punk reste vivace, que de nombreux groupes marient les deux, que les publics se mélangent, encore aujourd’hui. D’ailleurs si vous vous souvenez des premiers pogo que vous avez dansé, c’est bien souvent au son du groupe de blancs anglais de ska Madness que vous vous êtes jetés les uns contre les autres. Le pogo, danse de punks, le ska (en l’occurrence sa variante le rock steady), musique jamaïcaine directement apparentée au reggae. L’équation reste en place.

Madness n’est pas le seul groupe a avoir effectué ce croos-over, le plus célèbre de tous étant the Police, dont les premiers albums recevaient, entre autres éloges, le compliment d’avoir réussi une parfaite synthèse entre punk-rock et reggae (grâce au batteur Stewart Copeland, en particulier). So lonely est une démonstration à lui tout seul. Ce crossover est resté leur marque de fabrique au moins sur les 3 premiers albums, avant d’évoluer plus vers la pop. Bref, sans le savoir vous avez tous chez vous un bon exemple de ce dialogue entre punk londonien et la Jamaïque.

Cette histoire, perpétuée depuis 1976, on ne la doit pas aux Slits seules. Bien que le mouvement soit profondément anglais, pays qui compte une gigantesque communauté jamaïcaine (quoique plus à Bristol qu’à Londres), le fait de vivre dans la même ville et de partager des squats n’explique pas tout. La preuve, après les Slits, par d’autres femmes. Nina Hagen, allemande, a beaucoup fait elle aussi pour ce dialogue privilégié, son African reggae est dans beaucoup de mémoires.
Une autre femme, moins connue, complète cet étrange tableau. La française Lizzy Mercier Descloux faisait partie non pas de la scène anglaise mais new yorkaise. Au sein de la curieuse scène “no wave”, elle a apporté dans cette punkitude arty une touche de jamaïque, où elle enregistra un
album. J’en reste là pour LMD, qui mérite un billet à elle-seule, promesse que je finirai par tenir. Donc Londres et sa communauté rasta n’expliquent pas tout.

Ne disais-je pas que les Clash ont aussi frayé avec le funk? The magnifiscient seven est même un de leurs plus gros succès. A y regarder de près le rapprochement entre reggae et punk n’allait pas de soi.

Le punk est une musique politisée, contestataire. Certes elle puise plus dans l’anarchisme et parfois le marxisme, mais cette politisation aurait pu créer d’autres connexions.
Avec le folk des protest songs, par exemple. Ou avec la galaxie rythm’n'blues (qui englobait alors le funk et la soul). De James Brown à Gil Scott-Heron en passant par Aretha Franklyn, Marvin Gaye ou Curtis Mayfield, et surtout Sly and the Stone family, soul et funk avaient réussi à être une musique populaire fortement politisée. Une musique de noirs, certes, pour les noirs, mais les Jamaïcains ne faisaient pas non plus de la musique pour les blancs, donc l’explication raciale ne tient guère pour expliquer que le rapprochement se soit fait avec l’un plus qu’avec l’autre.
D’autant que la politisation des rastas étaient plus floue et plus religieuse que celle, activiste, du funk (Stand up and be counted, le message est clair). Difficile de trouver meilleure démonstration que cette reprise des Slits : lorsqu’elles reprennent le très rythm’n'blues I heard it through the grapevine, elles le font à la sauce… reggae.

Prises une à une, les explications restent insatisfaisantes. C’est leur accumulation, et sans doute une part de hasard, qui nous donnera le fin mot de l’histoire.

Les punks, grâce aux épingles de nourrice d’Elli Medeiros (si je me souviens bien) qui ont inspiré les Pistols et Malcom Mc Laren, avec leurs crètes de cheveux et leurs fringues tailladées, ont tout fait pour effrayer le bourgeois (quitte à lui demander poliment une petite pièce rue de la Roquette, personne n’est parfait). A ce signe extérieur de violence s’ajoute la violence des textes et le côté brut, sauvage, de la musique. Le “rude boy”, comme je m’en suis expliqué ici, est un personnage central de la culture jamaïcaine depuis les premiers single de Desmond Dekker en 1967. Ce facteur pouvait faciliter le rapprochement entre les deux musiques… mais pas l’expliquer. Car le funk de son côté avait aussi l’équivalent (je parle ici du portrait de Sly en incarnation du mythe de Stagger Lee), en Amérique. Et en Angleterre, lorsque nait le punk il existe déjà des musiques associées à la violence et à la figure du “mauvais garçon : les mods, dont le groupe le plus connu, the Jam, avait pour chanteur Paul Weller.
Ce n’est pas le moment de développer, mais ce côté agressif, présent dans le ska et le reggae, n’est pas dominant dans son image surtout depuis Bob Marley. Et pour ce qui est de la violence de la musique elle-même, on la trouve plus facilement dans le hard rock qui est déjà bien représenté en 1976-77 (le premier album d’AC/DC date de 1974, à titre de repère).

Donc ni la politisation ni la violence ni les rythmes ne semblent expliquer vraiment le rapprochement du punk et du reggae, et on a vu que l’explication géographique n’est que partiellement convaincante.

J’avais pour ma part une autre hypothèse, assez théorique je dois reconnaître. Alors que le jazz (notamment le free jazz très politisé, depuis les 50s) et le soul-funk ont conquis leur lettres de noblesse et ont complété leur politisation avec les films blaxploitation, les musiques issues du rock des années 60 ont toutes évolué vers plus de sophistication, les genres ne cessant de s’affiner, du rock progressif de Genesis au psyché de Pink Floyd à la toute nouvelle électro de Kraftwerk (Autobahn date de 1974). Je veuix en venir à ce mot, le plus souvent appliqué au Velvet underground et à Lou Reed, taxés d’avoir fait passer le rock dans “l’âge adulte”. Or le punk, lui, est résolument adolescent, forcément adolescent. D’autres jeunes gens commencent l’aventure en même temps que le punk, pas plus âgés mais avec une vision plus sombre de jeunes déjà imprégnés des tourments adultes qui les écrasent : la new wave et la cold wave (the cure, Joy division…). Même génération mais approche nettement différente.

Cette génération punk est plus cosmopolite que les autres, j’ai cité à dessein Nina Hagen, the Slits (Ari Up vit à la Jamaïque) ou Lizzy Mercier Descloux qui acheva sa carrière en Afrique du sud. Mais les Sex Pistols ou the Clash sont-ils vraiment cosmopolites? Bof.

deux nouvelles, Adèle et la batteuse Anna

deux nouvelles, Adèle et la batteuse Anna

En revanche, il y a dans le reggae et ses musiques soeurs (ska, dub, raggamuffin) une politisation qui reste adolescente par ses dehors insouciants. La conscience politique y reste ancrée dans l’instant et un hédonisme qui ne fotn ni très adultes ni aussi nihilistes que la new wave.

La dernière dimension, cruciale, me paraît liée à ce côté adolescent : le reggae est ce qu’il est, mais sans volonté de codification, ni chercher à constituer un “genre”. Ses musiciens sont l’image même de la liberté à laquelle aspirent les punks. Les Slits étaient très amies de Nico, qui chanta avec le Velvet Underground et dont les albums persos sont plus adultes que tout ce qu’on peut imaginer en rock. Mais cette amitié personnelle ne s’est pas traduite musicalement. Car ce
qui plaisait aux Slits chez les rastas, c’est “leur liberté”. C’est elles qui le disent, et c’est vrai même si Bob Marley fut horrifié d’apprendre qu’elles étaient un groupe de filles. Moins connues que d’autres groupes punk, les Slits sont donc, décidément, un groupe séminal, et l’exemple parfait de ce que représente la rencontre punky reggae qu’elles continuent de faire vivre sur scène. Des femmes libres, jouant des musiques libres, tenant un discours de liberté, avec jovialité et force.

Voilà pourquoi les Slits sont si importantes. Au-delà de la qualité énorme de leurs disques, elles permettent de comprendre le sens et le comment de ce mariage de la carpe et du lapin que sont les punky reggae parties. Comme ces dernières n’ont pas cessé d’attirer du monde depuis 30 ans, c’est pas mal de comprendre pourquoi les Slits ne vieillissent pas :-)





Comments

1 Commentaire


  1. 1 arbobo on octobre 21, 2010 9:44

    j’apprends par pop news qu’Ari Up vient de claquer,
    du coup up pour ce billet.

    RIP

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