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Topic: concerts
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Shearwater, la musique à la peau

par arbobo | imprimer | 27sept 2008

Shearwater avait beaucoup pour ne pas intriguer. Certes, ils sont sur un label excellent, Matador, qui publie Mogwai, Cat Power, ou encore Belle & Sebastian… C’est un début intéressant, mais un catalogue est parfois inégal (cela dit sans offense pour Jennifer O’Connor, qui fait ses débuts précisément dans cette écurie).

Shearwater est le projet d’un homme dont je vous ai déjà parlé sans le nommer. Car il était le clavier d’Okkervil river, ce somptueux groupe texan dont je répète à l’envi que c’est un des plus sous-estimés de la décennie. Mais voilà, avec son 5e album, Rook, Shearwater commence à rencontrer le succès -avoir signé chez Matador n’y est probablement pas pour rien- et Jonathan Meiburg ne peut plus mener de front les deux tournées.

Voilà enfin clarifiée la situation, même si les membres d’Okkervil auraient volontiers continué l’aventure ensemble. Will Sheff et Meiburg ont monté ensemble les deux groupes,  Mais Sheff s’impose d’emblée comme le leader et chanteur d’Okkervil river, dont il signe toutes les chansons. On comprend vite sur scène comment son charisme a pu justifier cette place au premier plan.

Découvrez Shearwater,Palo Santo !

La première surprise est de ne sentir qu’une parenté relâchée entre les musiques des deux groupes. La seconde, et pas des moindres, et d’être happé par l’une des plus belles voix que j’aie entendues. Quelque part entre Mark Hollis et Perry Blake, autant dire à des hauteurs où l’on ne croise pas foule.

On est d’abord surpris qu’un chanteur tel que Meiburg ait été aussi peu utilisé pour ce talent, tous les membres se relayant pour appuyer la voix de Sheff. Déjà multi-instrumentiste, Jonathan Meiburg a poussé encore plus loin la participation des autres membres, dans Shearwater. Sur scène on les voit passer d’un bout à l’autre de la scène, la bassiste prenant la guitare, le clavier une trompette, Meiburg passant du piano au banjo, ou encore le batteur (remarquable!) à la clarinette.

Avec Shearwater on touche le direct rapeux des Violent femmes, le songwriting inclus
le lyrisme à fleur de peau de Nick Drake
la synthèse rock passé-moderne d’Okkervil river
l’évidence mélodique d’un Supertramp, la voix d’un Jeff Buckley sans affèterie
un chanteur aussi habité que Shannon Wright
la douceur d’un Perry Blake sans la mollesse, la force bienveillante d’une Joan as Police Woman
la capacité à nous bouleverser d’une Cat power ou d’une Beth Gibbons,
et une envie de les aimer comme j’en ai rarement.

En quelque sorte, là où Okkervil chante dans des granges, Shearwater le fait dans des chapelles (voire des des cathédrales, parfois). Pour le dire autrement, Okkervil est aussi américain que Shearwater donne l’impression de ne pas l’être. On se demande parfois si l’on ne voit pas plutôt un trésor caché des campagnes irlandaises, transcendé par la pop.
On sent bien que contrairement à son groupe-frère où les morceaux sont composés à la guitare, Meiburg écrit ceux de Shearwater au piano, principalement. L’approche en devient différente, plus classique, plus portée sur la mélodie que sur les accords. Mais c’est la notion d’ensemble qui l’emporte, come dans une construction classique, ou comme chez Hitchcock go home! auxquels ils font parfois penser, Shearwater entrelacent leurs parties, combinent leur énergie pour en dégager une plus forte encore, plus profonde. Avec comme instrument clef là aussi le banjo, dont ces groupes nous font découvrir une capacité étonnante à faire vibrer la corde sensible.

Comment peut-on atteindre un tel lyrisme sans verser dans le pompier? Cette énigme est à la mesure du génie de Meiburg, et de l’entente parfaite avec ses musiciens. Dans une Maroquinerie remplie à ras bord, le public retenait son souffle à chaque changement de rythme, tremblait ensemble à chaque envolée, frissonnait comme un seul organisme dès que Meiburg prenait le micro.

Vivre un tel concert est un moment de grâce, une expérience peut-être. J’ai rarement été porté à ce point au-dessus du sol par un concert, dont l’intensité m’a parfois rappelé celui de PJ Harvey. C’est dire.

Si Meiburg et ses musiciens ne dégageaient pas autant de générosité, on pourrait être effrayé du pouvoir de leur musique, de la force avec laquelle ils nous font passer par toutes sortes d’émotions jusqu’à l’épuisement. Jusqu’au ravissement.

Après avoir été porté à ce firmament, on trouverait presque plats les disques qui pourtant nous avaient décidé à aller au concert, qui pourtant nous avaient donné la chair de poule. Et ils sont superbes ces disques, chacun dépassant le précédent. Je vous invite à découvrir d’abord le dernier, Rook, sur lequel Rooks ou Leviathan, bound, ont de quoi vous donner l’énergie de déplacer les montagnes à mains nues. Vous pourrez ensuite vous lancer avec gourmandise dans Palo Santo, l’album précédent de Meiburg intitulé d’après sa ville natale, dans une édition augmentée d’une dizaine de titres, dont une version alternative de l’hymne Red sea, black sea. A écouter debout, volume à fond, face aux éléments, en invoquant les animaux de la Création.

Comme nous sommes chanceux, Shearwater revient, pas comme tête d’affiche cette fois mais en ouverutre pour Silver mount Zion, le 10 novembre à Rouen, le 11 au Bataclan et le 12 à Lyon. Précipitez-vous !
Et d’ici là régalez-vous des photos de Chrystèle à la Maroquinerie, dont certaines illustrent cet article.



Comments

7 Commentaires


  1. 1 m.bark on octobre 26, 2008 15:45

    coucou, article grès intéressant :) je me demandais ce que tu voulais indoquer dans cete précision : “voire des des cathedrales, parfois” … A+

  2. 2 arbobo on décembre 13, 2008 2:11

    salut m. bark, je te réponds maintenant que le blog est actif pour de bon,
    la musique de Shearwater a un côté emphatique, très lyrique, tu as l’impression en l’écoutant que tout est plus grand :-)

    un peu comme chez Queen, comme chez Kings of Leon, bref le genre de musiques qui n’ont pas leur place dans un lieu tout petit

  3. 3 saab on décembre 18, 2008 8:24

    Super cool la présentation de ton site que j’apprécie beaucoup depuis un moment !
    Shearwater est l’un de mes gros coups de coeur de cette année, lyrique et époustouflant.

  4. 4 arbobo on décembre 18, 2008 12:03

    “lyrique et époustouflant” tu m’otes les mots de la bouche saab :-)
    et merci de ton mot ^^

  5. 5 Renaudi on août 12, 2009 17:03

    J’écoute Shearwater et Okkervil River depuis quelques années (4 ou 5 ans peut-être). Je trouve les deux formations fascinantes et leur musique, tout simplement belle. La petite chose que je souhaitait ajouter est sur le plan scénique : j’ai vu les deux grousp a quelques mois d’intervalles à Paris et si j’ai été très déçu par la prestation brouillonne et vainement bruitiste de Shearwater, j’ai été plus qu’enthousiasmé par celle de OR. Lyrique, puissante, forte.

  6. 6 arbobo on août 12, 2009 17:46

    renaudi, j’ai vu les 2 à Paris,
    excellents à chaque fois,
    mais je ne vois franchement pas ce que vient faire l’adjectif bruitiste ici :-)

    en même temps j’ai déjà eu ce genre d’incompréhension avec ce mot, chacun l’entend d’une manière différente ^^

  7. 7 arbobo on août 12, 2009 17:48

    j’ajoute que si shearwater a sauvé la soirée au Bataclan (avant des silver mount zion méga chiants),
    c’est surtout à la Maroquinerie fin 2008 que je les ai trouvé le plus éblouissants.

    un groupe n’est pas toujours chaque soir à son meilleur

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