Sam soufi…
Un monstre. Au sens mythologique du terme, une chimère. Mi-pakistanais, mi-espagnol.
Le coffret distribué par Harmonia mundi s’appelle tout bêtement Qawwali-flamenco. Sorti au printemps, il coûte un peu moins de 35€, autant dire que c’est un joli cadeau à faire et à se faire.
Le flamenco, musique aride et viscérale, se marie étonnamment bien avec d’autres musiques. Je fais partie des nombreux amateurs séduits il y a 2 ans par Lagrimas negras de Bebo et Cigala, croisement de flamenco et de son cubain. Mais c’étaient deux cultures cousines, partageant une même langue et des ascendances communes. La fusion surprenait par sa qualité, plus que par son existence.
Ici le pari était plus relevé. Faire se rencontrer le flamenco et le qawwali. Kezako?
Je connaissais le qawwali par sa star mondiale, passée de nombreuses fois en concert en France dans les années 1990 : Nusrat Fateh Ali Khan. Souvenez-vous, vous l’avez croisé plus d’une fois dans les rayonnage de la Fnac ou autre disquaire. Nusrat était -car Nusrat n’est plus de ce monde - avec Youssou N’Dour l’autre fer de lance du label Realworld, de Peter Gabriel. Ce label est comme une version plus connue et plus vendeuse de la collection française Le Chant du monde. Fin de parenthèse.
Le qawwali est un chant soufi. Ce qui ne nous avance guère, me diront ceux qui ne s’y sont pas encore frottés. En juillet un festival de musique de Montpellier a fait la part belle à cette culture bien vivace. Le soufisme est l’une des formes de la spiritualité musulmane, et c’est une forme particulièrement répandue dans la culture pakistanaise. Le qawwali en est l’expression musicale et chantée, une expression très ouverte (l’islam orthodoxe n’autorise pas l’utilisation de musique, très présente dans le qawwali).
Cette ouverture favorise le dialogue avec d’autres approches de la musique, et Nusrat a même fait un disque avec les avant-gardistes anglais de Massive Attack. Difficile de trouver plus éloigné du qawwali que ce collectif de Bristol qui puise dans le punk et la culture jamaïcaine pour créer des formes nouvelles d’électro et de groove, sans aucune référence spirituelle affichée.
Le flamenco n’est pas un chant sacré, et moins encore un chant religieux. On le trouve plus facilement dans les cabarets, et sa danse violente et sensuelle pourrait plus facilement faire penser au tango, dans son esprit, qu’à des dévôts musulmans d’Asie. Mais le flamenco est une musique de l’âme, et elle a ce don de concentrer dans le chant un mélange de brutalité et d’élan du coeur qui confine à l’épure. Alors le mélange n’est peut-être pas si étrange.
Ce mélange ne doit rien au hasard et il est l’aboutissement de tatônnements. Quinze ans plus tôt une rencontre avait été organisée entre des chanteurs qawwali, de flamenco, mais aussi des Chinois et le bluesman Cecil Taylor. Si l’on en croit le livret du coffret cette collision a laissé tout le monde sur sa faim. L’idée fut reprise une dizaine d’années plus tard entre les deux chants qui avaient le plus en commun.
En tout cas ce dialogue est furieusement efficace. Sans toujours vraiment se mélanger, les deux groupes de musiciens entrelacent leurs parties pour tisser un ensemble chaud et puissant. On imagine ce disque joué à plein volume en rase campagne, les saillies vocales planant sur la lande comme une nuée d’esprits pour la transformer en forêt enchantée. Voilà que j’en deviens lyrique…
Après cet élan, je m’autorise un petit bémol : durant certains morceaux, les deux formations se côtoient plutôt qu’elles ne se mêlent. La juxtaposition des deux styles est très troublante, mais pas tant que lorsque les artistes se lancent dans la difficulté d’une musique commune. Or sur 11 morceaux, seuls 4 sont interprétés ensemble.
La difficulté de l’entreprise peut expliquer en partie cette timidité. Je la regrette tout de même.
Le label
accords croisés porte bien son nom avec un tel projet. Le DVD est la captation d’un concert de la tournée qawwali-flamenco, interprété en 2005 à Fès. Le spectacle, débuté en 2003 à BArcelone, a tourné durant 3 ans.Le chanteur de qawwali de cette tournée, Faiz Ali Faiz, est en concert les 4 et 5 août à
Saint-Nazaire. Avec un peu de chance vous pouvez encore trouver des places. La liste