arbobo

“S”, Jenn Ghetto, et les autres

Il y en a qui regrettent tellement le bon vieux temps des heures passées chez le disquaire qu’ils tendent des pièges à la génération internet. Un groupe baptisé “S“, rien de plus, c’est à la limite du suicide commercial. Déjà, pour le retrouver sur l’ordinateur c’est coton :-/

Oh que oui, “on connait”, oh que oui c’est dans la bonne veine indé à l’anglo-américaine, guitare claire et voix assombries. Et pourquoi se priver, quand ça fonctionne aussi bien. Elle a été bien inspirée, Jenn Ghetto, de lancer ce nouveau projet, “S”, passé récemment à Paris dans une indifférence certaine. Tu veux craner? tu veux faire pleurer l’objet de tes désirs ardents? Tu veux du romantisme aride, de l’intégrité? Alors oui, tu veux cet album. Il s’appelle I’m not as good at it as you*, et rien que titre montre que Jenn Ghetto et devenue plus roublarde, plus fine, plus ambiguë.

S part de ce point de rencontre entre le rock “indé” et un esprit blues, dont le début de carrière de Cat Power sert de mètre-étalon, et la discographie de Shannon Wright ou de Scout Niblett font office de pavillon témoin. C’est rugueux et sincère, c’est mélodique mais économe, c’est émouvant, oui c’est émouvant, et pourtant si c’était un concert on en sortirait avec un sacré mal au cul. Mais pour se choper un tel mal de cul il faut avoir décidé de le laissé posé durant des heures, et Jenn Ghetto a ce talent là, de nous faire dire, si, si, finalement je reste, cette nana a un truc, vraiment.

Away around this

Une fois accrochés par le côté répétitif (au meilleur sens du terme), on réalise combien la guitare passe par des sonorités différentes, qui évoquent quelques uns des meilleurs groupes anglais des années 80 souterraines (mais aussi Kaki King, ou des démos de Nirvana, qui visiblement ont aussi séduit Sfar). On s’est demandé au début quelle direction elle allait choisir. L’ancrage était clairement rock indé, version dépouillée, courant slowcore, ascendant Cat Power. Mais pas que. Mais pas tant que ça. Surtout dans le chant, et dans quelques passages plus pop au cours de telle ou telle chanson.
Il y avait ce clavier, ces effets électro, ces effets sur la voix par instants, qui font que Puking and crying était déjà bon mais l’identité de « S » pas encore totalement dessinée. Puis vint Sadstyle, pas son meilleur disque (arrangements chichiteux), et voici un 3e album qui installe un rythme d’un disque tous les 2 ans.

Un des plus beaux titres nous aborde en douceur. The message, calé en milieu d’album (ça aurait fait une belle fin de face A, en son temps), laisse la guitare prendre son temps avant d’accélérer. C’est carré et simple, parfaitement dosé, et la fin au cordeau laisse à peine le temps de saliver sur ce qui débarque ensuite.
Pour avoir écouté les albums précédents, on sait bien que le cocktail de I’m as good at it as you est un dosage élaboré finement, progressivement, et qu’il n’est pas un bête coup de chance. C’est toute la différence entre des démos intéressantes et un vrai bon disque. Les morceaux sont plutôt meilleurs que sur les albums précédents (malgré des baisses de régime de temps en temps), on en est déjà au 3e. Côté chant et production, on n’a plus ces petits effets inutiles qui noyaient le poisson, c’est appréciable.
Sans les zigouigoui et choix contestables qui pouvaient agacer et faire décrocher, S s’est recentré sur l’essentiel et a désormais les moyens de plaire.

Le groupe termine à peine une tournée européenne, il va falloir patienter un peu pour les revoir et compter sur un brin de pub pour leur album. Vous vous sentez de faire ça? Quand on vous chante “someone save me” ad libitum, ce serait la moindre des choses, non?

On vous laisse avec un des meilleurs titres de l’album (avec Save me et Through it all),  Away around this. Cherchez pas, c’est une autoprod, il va falloir vous adresser gentiment à la dame :-)
Ils sont où les bons albums de ce début d’année? Ben tiens, comme si tu savais pas, depuis 5 minutes ;-)

* : “je ne suis pas aussi douée que toi pour ça”