arbobo

S”, comme Shuffle

“J’ai shufflé toutes les bougies, mais elles se sont rallumées aussitôt, j’en suis resté shufflé.”

Ah ah, quelle rigolade les bougies truquées, mais non mon pauvre ami, ce n’est pas de ça qu’il s’agit, petit fou. Et puis quelle citation de merde, vous auriez pu faire un effort quoi, c’est un blog de qualité ici, quand même!
Un certain nombre d’appareils vendus chez nous ont les indications de base en anglais. Exemple : “pause”. Autre exemple :  “stop”. Ou encore : “play” (ah, ça marche déjà mieux, pour ma démonstration).
Encore un exemple (hmmm, les exemples c’est boooooon) : shuffle.

En langue de gaulois (nos ancêtres des Antilles) : lecture aléatoire, ou pour être exact “dans le désordre”.
En langue arbobo : de la merde.

Je déteste le “mode aléatoire”.
Vous savez, ces vinyls qu’on a passé de si nombreuses fois qu’ils sont devenus tout rayés? A peine la dernière note d’un morceau retentit, que notre cerveau se prépare déjà au morceaux suivant. C’est même une partie du plaisir cette anticipation, qui sait, un plaisir infantile peut-être comparable à celui des bambins qui réclament 50 fois la même histoire sans se lasser.

Certains disques sont une suite de titres correspondant à un moment donné, une époque d’écriture, d’enregistrement, rien de plus, ou parfois des titres sans réel lien entre eux. Pourquoi pas. Julie Doiron nous confiait en interview que si elle ne prépare pas de liste pour ses concerts, c’est parce que pour elle chaque chanson doit avoir sa propre force, indépendamment des autres. C’est un point de vue qui se défend parfaitement.
Mais beaucoup d’artistes, et/ou de producteurs dans certains cas, conçoivent les choses autrement.

La notion d’album au sens moderne du terme est contemporaine du rock, elle est née d’une évolution technologique. Le LP haute-fidélité permettait enfin d’avoir avec un son de qualité 2 faces de plus de 20 minutes. D’où la durée longtemps “standard” de 45 minutes pour la plupart des albums.
De nombreux disques ont été conçus en tirant parti de la contrainte du vinyl, avec une face A dont l’ambiance ou la musicalité était différente de la face B.
Même en supprimant cette contrainte, beaucoup de disques sont conçus avec un ordre des titres très précis. Cet ordre est parfois très dramaturgique (Melody Nelson, sommet de l’art gainsbourien), narratif (Lady & Bird). L’ordre des titres est important au point qu’ils ne suivent pas mais s’enchainent, sur certains albums. Pour son chef-d’oeuvre What’s going on, Marvin Gaye a mis un soin particulier à travailler les enchainements, les arrangements qui nous font glisser d’un titre vers l’autre, avec évidence et élégance. Du très grand art. Des disques apparemment plus abstraits jouissent d’un traitement tout aussi scrupuleux. C’est le cas d’un de mes disques fétiches, Pansoul de Motorbass. Voilà un disque qui mérite d’être écouté comme un tout, en entier oui mais aussi dans l’ordre.

Ce n’est pas qu’une question de respect de l’artiste, c’est tout bonnement une question de plaisir. L’ordre aléatoire fait perdre beaucoup à l’auditeur. Lors d’une superbe interview avec Ama-L sur radio Néo, Keren Ann expliquait qu’elle est “pas du tout shuffle comme fille, très tracklist”, ce que ses disques et concerts confirment haut la main. Alors, c’est pas pour me vanter, mais j’ai peut-être un peu un côté Keren Ann ^^

Dire que Apple a conçu un ipod qui fonctionne par principe en mode shuffle ! L’horreur totale. A vous faire douter d’Apple, c’est dire si ça fait froid dans le dos o_O
Brrrrrr