Radicaux libres
La Radical Jewish Culture débarque à Paris depuis New York pour la première exposition rétrospective depuis sa naissance en 1992 et ses prémisses des années précédentes. Une exposition, des conférences, des projections et des concerts exceptionnels animeront le printemps du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme. Participeront en chair et en sons les artistes les plus signifiants de cette scène agitée et pourtant très conceptuelle, à commencer par l’initiateur devenu icône pour certains, boussole pour d’autres : John Zorn.
Une saison au musée
L’équipe d’Arbobo.fr, coutumière et intransigeante sur les expos musicales, vous fera vivre au fil des mois quelques instantanés de cette scène musicale issue de l’underground fin de siècle new-yorkais, aujourd’hui épinglée au Musée.
Au musée ? Constat d’une mort précoce ? Célébration d’une panthéonisation flagorneuse ? Mise sous bocal d’une dynamique trop fragile ? Codification pour empêcher toutes déviations et évolutions en dehors du maître-étalon ? Non, rien de tout cela, même si le passage au musée pourrait inquiéter sur un sujet aussi vivant et contemporain.
Le MAHJ et ses commissaires d’exposition (Gabriel Siancas, Mathias Dreyfuss et Raphaël Sigal) ont choisi de célébrer un mouvement d’une richesse incroyable, et d’en montrer ce qui en fait un phénomène inscrit dans une temporalité qui dépasse une simple mode d’avant-garde musicale ou un énième revivalisme folklorique.
Inscrite viscéralement dans la judaïté européenne et jaillissant des clubs de Big Apple (dont la Knitting Factory), la Radical Jewish Culture est autant une source d’inspiration pour de nombreux musiciens qu’un requestionnement de leur propre identité de Juifs new-yorkais, par-delà la réutilisation de musiques trads (on disait encore folks de mon temps) dans un répertoire moderne, ici principalement le free-jazz.
Autour du mythique quatuor Masada, de ses nombreuses déclinaisons, des œuvres plus extrêmes de Zorn (dont Kristallnacht, œuvre bouleversante qui marqua le Festival for New Radical Music de Munich en 1992) et des centaines de productions du label Tzadik (dont celles de la collection Radical Jewish Culture) l’exposition, les concerts et les tables-rondes exploreront une scène singulière qu’on ne saurait résumer au revival klezmer : “mouvance musicale, mouvement aux résonances politiques affirmées et assumées, communauté de musiciens, communauté esthétique“. C’est ainsi que les organisateurs ont résumé la définition de Zorn d’une Radical Jewish Culture qui dépasse quelques étiquettes de bacs de disquaires.
Un programme de toute beauté
L’exposition se tiendra du 9 avril au 18 juillet au très bel Hôtel de Saint-Aignan, dans le Marais, qui héberge le MAJH. Pour profiter de certains événements, il va falloir faire fissa et réserver (les conditions d’accès et le programme détaillé sont sur le site du MAHJ). Retenez déjà quelques moments phares :
Dimanche 16 mai, concert exceptionnel dans la cour d’honneur du Musée avec pour commencer Sylvie Courvoisier et Mark Feldman qui joueront leur interprétation du Book of Angels, dont le sublime Malphas s’inscrit dans ces interprétations par de nombreux artistes des 300 compositions du second Masada Book.
Ensuite, Joey Baron, Trevor Dunn et John Zorn sous la formation inédite de l’Aleph Trio exprimeront leurs perceptions du collagiste majeur de la Beat generation, Wallace Berman.
D’autres concerts dès avril au MAJH, avec le 15 au soir Anthony Coleman, puis le 18 (à 17h) le même rejoint par David Krakauer.
Toujours au Musée, le 2 juin le Ben Goldberg Trio (avec Greg Cohen et Kenny Wollesen) et pour finir en beauté Frank London qui s’alliera avec Lorin Sklamberg pour continuer leur revisitation du klezmer et des fêtes hassidiques.
D’autres concerts entre temps et hors MAJH à la Dynamo des Banlieues bleues le 14 avril avec Coleman en solo puis en quartet, et Ribot (en trio) et Hall (en trio avec Baron) à Pleyel pour clôturer la Journée roborative du 18 avril (20 h).
Parmi les conférences, retenez celle du 18 avril (dans le cadre de la Journée Radical Jewish Culture avec également concerts et projection) avec (excusez du peu !) Marc Ribot, Coleman, Krakauer autour de Tamar Barzel pour répondre à Pourquoi la Radical Jewish Culture ? C’est vrai ça : pourquoi ?
Le 5 mai, c’est sur New York et son absorption des cultures des vagues immigrantes qu’on s’entretiendra.
Le 29 mai à Pompidou, on s’interroge sur L’œil musical : sources et influences de John Zorn dans l’art moderne.
Visites guidées, Fête de la musique, nuit spéciale sur France Musique du 24 au 25 avril (1 h - 7 h, branchez vos iPods !), un bien beau programme que nous suivrons avec vous au MAJH, dans le reste de la ville et sur les ondes.
Petits en-cas
Pour patienter, voici un historique essai de “définition par son périmètre artistique”, en fait l’un des premiers jets de programmation de ce que pourrait être la Radical Jewish Music in NY au début des années 1990, extrait de ses carnets personnels (© John Zorn) à découvrir à l’exposition. Bon sang quel casting ! Le résultat final, bien que légèrement différent (ah… pas encore de Beastie Boys…) est tout aussi riche sur ces 20 années.
Le fond de l’affiche de l’exposition est également puisé dans ces carnets, et est mis en affiche sur un design de Philippe Apeloig (© MAHJ).
et toujours pour tenir d’ici avril, rien de tel que de se régaler de la moelle fondatrice, Masada, le quatuor zornien ici en concert en 1999 au Tonic de New York (à ne pas confondre avec le double Live at The Tonic de 2001). Ce clip montre à quel point cette musique apparemment sauvage et désordonnée est pensée, écrite et dirigée avec précision et passion par Zorn (le mec qui joue du sax avec les cheveux longs (le mec, pas le sax)) :
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j’y go, moi, merci pour ce billet:)
mais on espère bien que tu viens :-)
C’est fou comme ça passionne les gens la RJC ! ^^
notre public n’est soit pas assez radical, soit pas assez jewish, soit… oh non il est cultivé c’est au moins ça de pris ;-)
J’aurais du rajouter des pochettes de Shuky & Aviva, ça c’est de la Jewish Culture pour le moins radicale.