Qui est John Cage
Je vais pas vous dire que la question m’empêche de dormir ni qu’elle me colle de l’eczéma rien que d’y penser. Mais puisqu’un auteur a eu l’amabilité de se poser la question par écrit, j’avoue une certaine curiosité pour la réponse.
Derrière chez moi y’a un libraire (air connu). On y trouve plein de petits opuscules édités par les très curieuses éditions Derrière la salle de bain (vous voyez, c’était bien “derrière”, je m’étais pas trompé).
Ce texte de Daniel Caux, assez court, était paru en 1970 dans le n°11 de Chroniques de l’art vivant. Encore un de ces trucs d’art dont j’étais bien parti pour ignorer l’existence toute ma vie. Sacré hasard, va.
Ce texte nous en dit sur l’approche de la musique par John Cage, mais il est assez savoureux de le lire aujourd’hui, 36 ans plus tard et une bonne dose de second degré dans la vue. Du genre : Cage est un inconnu en France, on trouve péniblement 2 de ses disques et encore chez 3-4 disquaires. Aujourd’hui, la situation a bien changé, et Cage est enseigné et connu de tous les musiciens contemporains. J’en connais d’ailleurs un, Henri Fourès, qui n’a pas seulement été un ami et collaborateur de Luc Ferrari mais a aussi fait un disque avec John Cage. De cette expérience il a conservé des instruments d’Asie du sud qui reposent négligemment dans un couloir du conservatoire national de Lyon. Fin de parenthèse, mais pour ce qui est de découvrir un illustre inconnu, c’est raté.
Le bon côté, c’est que l’auteur, impatient de réparer une injustice, s’enflamme pour Cage et cherche à éclaircir des malentendus ou éviter des clichés. “La recherche systématique de l’inouï n’est jamais entrée dnas le propos d’un Cage qui semble avoir prévu les futurs excès d’une musique expérimentale conventionnelle”. Cette phrase contient pour le moins une expression paradoxale, sinon un oxymore. Mais malheureusement on doit reconnaître que les expérimentations donnent souvent lieu à une systématisation qui n’a plus rien d’expérimental (ce qui explique par exemple l’évolution radicale des compositions de Steve Reich, qui ne voulait pas s’enfermer dans son propre schéma). Je me souviens de critiques élogieuses de Zooropa de U2, qui le résentaient comme “expérimental”. Pour l’éloge, je veux bien chacun ses goûts de toute façon, mais “expérimental”, quand on reproduit ce qui a été expérimenté 30 ans plus tôt, laissez-moi rire.
Les bas de page de cette collection sont malicieux. A la manière des coccinelles de Gotlib, ils sont parsemés de questions tordues (”en suis-je à la vingt-huitième question?”), c’est assez sympa.
Dernière provocation, cette mention en fin de reliure : “le photoco-pillage fait vire le livre.”
Explication : cette petite collection est précisément…. photocopiée.