Quand Bowie pète dans le bain moussant : Tonight
Et là… c’est le drame.
Vous avez une image classe, “pointue” même, vous incarnez une certaine idée du chic underground. Vous avez écrit quelques une de ces chansons que les fanzines ronéotypés qualifient de “définitives”, et hanté quelques films de votre androgyne et diaphane présence. Pis! Vous êtes l’image même de la subversion sexuelle car chacun sait que jadis vous vous êtes fait un peu plus que des guilli avec le sex symbol ultime Mick Jagger.
Et là…
Et là, le critique, l’auteur, bref celui qui est en train de noyer le poisson le temps de trouver comment aborder cette délicate question, l’auteur donc (et merde, j’insiste en plus) se trouve fort dépourvu sans que le bise eût…
Pfff, vous voyez dans quel embarras on se trouve, là. Vous vous doutez qu’un truc nul arrive, c’est comme les blagues les plus longues, la chute est ce qu’elles ont de moins marrant. Vous voyez la sueur sur mes doigts noués, mon oeil humide qui hésite à se poser sur l’objet du délit.
Tonight…
En 1983 Bowie a mis le doigt dans le cul de la poule aux oeufs d’or, jackpot, le vrai couple de l’année. Ca s’appelle Let’s dance et même si les puristes en dégueulent leur pâté Hénaf même eux doivent s’en fader les tubes à répétition, vu que la petite nana, oui tu sais celle qui, bon, je te fais pas un dessin, nan la regarde pas s’teuplait, bref elle adore le dernier Beuwie elle le trouve trop chou et mortel doué alors bon tchuvois…
Donc le mythe est installé sur le trône, après les merveilles pop, les lingots dancefloor, tout va bien pour mister David Jones. Jusqu’à ce que, sur son trône, tentant un manoeuvre un peu audacieuse avec une personne de sexe indéterminé à l’appétit surdéveloppé, le roi du moment ne tire la chasse par inadvertance.
Dégâts des eaux, voisins furax, moquette foutue dont pas un chat galeux ne veut, le mec des assurances au téléphone toutes les deux minutes, et puis évidemment tout l’immeuble qui vous regarde de travers. Sans compter toutes les copines du principal témoin de la scène qui pouffent dès qu’elles vous voient, en imitant le geste fatal. La boulette.
Cette triste déconvenue dont on vient de vous conter les déboires, c’est un disque. Chut! Pas si fort, inutile de se griller avec les nôtres, de voisins.
Et même que ce disqueu, il s’appelleu tounailleteuh !
Et que même la mère à Beuwie elle en pisse de rire quand on lui en parle, et son agent imite le bruit du répondeur quand on l’appelle tellement il a honte.
Blouedjine ! Oh blouedjine !
Punaise, une pub pour Pantashop, on va prendre cher les amis, encore 11 titres, courage, on serre les abdos et on se pince le nez.
Des titres dont les meilleurs sont, comme par hasard, les bonus de la réédition CD. Là, pour nous récompenser d’avoir souffert stoïquement durant tout l’album, Bowie nous gratifie d’abord d’un titre putassier et daté mai rudement bon, This is not America. Avec sa production sous stéroïdes et ses choeurs ultra-brite (shalalala…), ce titre montre tout ce dont Bowie était capable “malgré tout” à la même époque.
Certes il n’était pas seul, puisque le morceau est carrément sur un album du Pat Metheny group, l’homme qui est à la guitare jazzy ce que Jean-Michel Jarre est au synthétiseur (non pitié, ne le dîtes pas, j’ai mal rien que d’y penser). Même Absolute beginners, mauvaise bande originale d’un film heureusement oublié de tous, relève le niveau.
Dire que sur cet album, Bowie reprend l’un des plus beaux titres jamais écrits par Brian Wilson, God only knows, pour tester si c’est bien vrai qu’un bon morceau résiste à n’importe quel traitement. D’ailleurs tonight est à peu de choses près un disque de (mauvaises) reprises.
“Résultat des tests, Mitchell? Heu, professeur… Parlez Mitchell, nous ne sommes plus des enfants! Eh bien, les rats se sont suicidés, les poissons rouges ont confectionné un drapeau blanc avec les fleurs de l’aquarium, et les souris blanches ont écrit sur leur pelage “dial 911″. Très bien Mitchell, allez acheter immédiatement le dernier Simple Minds, qu’on mette fin à cette boucherie.”
Car l’heure était grave, et dans sa rage meurtrière envers la jeunesse des années 80, Bowie avait un allié de poids pour sa sale besogne, Mick Jagger avec qui il a commis une version de Dancing in the street dont les services secrets ne sont pas encore totalement remis.
Avec Tonight, on a droit à un vrai docu sur les années 80. Ses basses aseptisées, ses arrangements de cuivres dignes d’un spin off de Flashdance, ses reprises en toc pour illustrer le triomphe de Swatch, ses petits rythmes reggae mal négociés, juste parce que Grace Jones, quand même, tu vois…
De la bouillie internationale comme une worldwide food sans identité ni saveur, taillée pour les lounge des Sheraton et des escales Air France. Tout ce qu’il faut pour vous rappeler que les 70s, y’a pas a dire, c’est bien fini.
Pour savoir le pourquoi de cette chronique pas tout à fait choisie, voir par là ^^
Si vous voulez écouter un truc qui s’appelle Tonight, qui pue la ritalo disco comme un claquos oublié en plein soleil, et qui en plus vous colle de bonne humeur pour la journée, voilà ce que vous devez voir :-)
E viva Ken Lazlo
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Aaaah ce titre ! Il m’a bien fait rire !
Et finalement cet album, si tu te prépares psychologiquement avant, que tu entres dans la peau d’une personne des années 80… y’en a quelques unes qui s’écoutent.
Bon en fait, je pense à absolute beginners, mais je crois que c’est la seule…
Ah putain, tu m’as devancé! je te rattrape ce soir…
en attendant, un large sourire a occupé ma face dès les 6 premiers mots, et ne l’a pas quittée jusqu’à la fin de ton article. Très bel exercice de style, chapeau!
(sur le coup de la chasse d’eau, tu as oublié que Bowie a fait d’une merde deux coups, il y a aussi Never Let Me down! un album du style c’est déjà beaucoup pour un seul homme, imagine que je viens d’en chroniquer 3 de suite!!)
Ah ! La vache !
C’est excellent.
Comme tu t’es lâché ! :-)
Dire que je ne connais pas l’album en tant que tel mais seulement les tubes qui en sont issus…
En tous cas, il a l’air d’être à la hauteur de sa pochette…
Quant à Ken Lazlo, je l’avais oublié celui-là. Et pourtant, j’avais acheté le 45 tours. Si je me doutais que 25 après on en parlerait dans des espaces raffinés comme arbobo.fr
Ken Laszlo !!!!
quelqu’un d’autre que moi connait ce titre, belle fin de post
je pense que même lui il a oublié qu’il a été chanteur dans les 80’s
Un régal, cet article !
Pour moi Tonight est sans conteste le pire album de Bowie, celui où il ne prend même pas la peine d’écrire des chansons potables. Never Let Me Down est une cata, mais c’est une cata plus noble au sens où il tente quand même des trucs (horribles, mais avec un zest d’ambition). Alors que là… sur Tonight il cachetonne du début à la fin…
uh uh n’en jetez plus ^^
je me suis bien marré à l’écriture, content que ça ce soit communicatif :-)
thom, on ne peut pas mieux dire, c’est sans doute plus l’attitude que les fans reprochent à bowie sur ce disque, que le contenu (même s’il est effectivement, heu… voilà quoi)
ouch, excellent :-D
J’avais complètement oublié cet album. C’est encore le cas d’ailleurs, à part de vagues souvenirs d’Absolute Beginners. Il y a vraiment eu des tubes là-dessus ? vous êtes surs ? j’ai du appuyer sur la touche erase un jour
Ken Laszlo aussi je l’avais zappé, quelle bonne idée j’avais eu !
Gilbert et George ont gardé leur contenance ? leur sérieux, quoi !
J’ai pleuré de rire en écoutant ce truc de Ken Lazlo, que j’avais complètement oublié.
Faudra un jour faire le procès des années 80 quand même… Notamment pour les coupes de cheveux… ;)
un procès des coiffeurs alex, alors, je suis pour ^^
Ce que je trouve excellent dans cet album (car non, tout n’est pas raté), c’est comment Arbobo l’a chroniqué XD
Bon, je vais voir les autres, mais cette première salve est vraiment l’enfer des merdes bowesques (Let’s dance mis à part).
Comme je viens de le dire chez Thom en comm’ (rime riche, lien ici : http://legolb2.blogspot.com/2009/09/david-bowie-une-epoque-formidable.html?showComment=1252428920074), mon arrivée chez Bowie s’est faite par un choix un peu obligé (il fallait écouter un jour du Bowie pour tout lecteur de R&F qui se respecte) et j’avais acheté (et aimé en partie) l’album Let’s Dance. Mais les pitreries de Bowie et ce rock très fade ont fait que le divorce se prononça quasi aussitôt, à cause de Tonight, Absolute beginners, le Live aid, dancing in the street, etc. Ca me foutais les nerfs et, comme pour Gainsbourg d’ailleurs, je décidais que Bowie, c’est vraiment de la dauble.
A cause de Tonight et autres bouses 80′z (que je n’ai absolument pas en enregistrements sous aucune forme), je passais 10 ans éloigné de ce gars. Jusqu’à Outside, que j’écoutais comme une parenthèse, puis jusque Heaven qui me permis de me réconcilier (et de vraiment découvrir tout Bowie).
Pourtant, j’aurais du me méfier : le clip de Ashes to ashes m’avait terrassé quand je le vis, et j’aurais du savoir qu’il ne faut jamais jeter le bébé avec l’eau du bain.
Me voici désormais informé.
alors que le premier Bowie que j’ai entendu était un bon, mais pas son meilleur, le 45t de Rebel Rebel :-)
ça change tout
Ma version CD ne contient pas tous ces délicieux bonus. Je suis vraiment le poissard ultime…
Cela dit, je peux me réécouter (d’une oreille distraite) ce Tonight, contrairement à son successeur sur lequel je bloque totalement.
arf,
de toute façon grisé, supporter les deux, ça tient du contrôle de soi ultime, de toute façon ^^
Roh mais non Pat Metheny n’a pas fait que du jazz mainstream! Song X enregistré avec Ornette Coleman est pas mal du tout.
Non moi, ce qui m’étonne c’est que Tonight ait été enregistré aussi rapidement en 1984 soit juste un an après Let’s Dance… Bon ceci dit, ça excuse pas tout, suffit d’écouter Never Let Me Down sorti cette fois 3 ans après XD
mais tout et dans la comparaison, cher doc :-)
JM Jarre a des côtés effrayants mais c’et pas pour rien que tous les cadors de l’électro mondiale lui dressent des statues à tous les coins de rues :-)
un plouc génial, ce JMJ
(comme son nom ^^)
“JM Jarre a des côtés effrayants mais c’et pas pour rien que tous les cadors de l’électro mondiale lui dressent des statues à tous les coins de rues”
Rhoo, mais non mais non, j’ai juste quelques accessoires multimédia, pas besoin de me tresser des fleurs voyons
Si Bowie a sorti Tonight aussi rapidement, c’est essentiellement pour venir en aide à son vieil ami Iggy. En effet,suite à l’immense succès mondial de China Girl, celui-ci eut, paraît-il, des problèmes avec le fisc US (il n’avait apparemment jamais payé d’impôts de sa vie). Cela expliquerait pourquoi Tonight contient tant de reprises de l’Iguane. Eh oui! Tonight serait ainsi avant tout une sorte d’Iggy-Aid et ce pauvre Bowie un philanthrope méconnu…
Et l’Enfer est pavé de bons sentiments…
Euh sinon Bowie pouvait tout simplement faire un chèque à Iggy, c’était pas plus simple? XD
Et surtout plus sympa pour nous !
Certes… mais nous n’aurions pas eu le plaisir d’admirer cette splendide pochette ou David l’Archange dans sa période dite “schtroumpf”.
C’est marrant parce que je suis complètement passée à côté de Bowie pendant bien longtemps pour la simple et bonne raison que j’étais toute petite (voire même pas née) à l’époque de ses chef d’oeuvres d’antan et qu’il m’aura fallu attendre l’énoOorme “Earthling” pour enfin m’y intéresser de plus près.
Du coup, je m’estime heureuse (et chanceuse) d’être passée à côté de ses bouses ;)
Cela dit, ton article m’a tellement fait rire qu’une curiosité malsaine me donnerait presque envie d’écouter “Tonight”!