Nouvelle(s) scène(s), 25 & 26 mars 2011, les très longues nuits niortaises
La petite file indienne habituelle du train, ses “pardon” machinaux, ses yeux d’étudiants qui s’allument à l’idée de retrouver leur moitié, ses sous-offs pas malheureux de poser le treillis 48 heures. Parmi eux, sans doute, des artistes qu’on écoutera quelques heures plus tard.
Tombée la veste de parisien, avalé l’en-cas en baragouinant deux mots à travers la tranche de rôti. On a manqué les trois premiers jours de Nouvelle(s) scène(s), il y a du retard à rattraper. Dans une ville de cette taille, on traverse le centre en un clin d’oeil. Les 15 lieux de concert sont à quelques minutes l’un de l’autre, les concerts s’enchaînent sans qu’on manque plus d’un ou deux morceaux (et encore).
Le passage Victor Hugo revit ses belles heures musicales, celles des émois chez le disquaire désormais disparu. A l’étage du Duplex Kyrie Kristmanson vient de débuter une heure de concert parfaite. Toute en justesse, Kyrie et ses deux musiciens ont ce qu’il faut d’excellence technique, et de générosité. Le disque se distinguait déjà du catalogue No format, mais en concert on profite d’autant mieux de cette voix magnifique. Passer d’un jeu de basse hyper moderne à un a capella d’une femme troubadour du XIIe siècle n’est pas donné à tout le monde. Une telle qualité rythmique à la voix, c’est bluffant, beaucoup de MC de hiphop feraient bien d’en prendre de la graine ;-)
On la félicitera, Kyrie, mais plus tard, ailleurs. On file à la Terrasse où une bande de bordelais commence à notre arrivée. Pendentif la joue pop en français, un peu potache parfois, mais avec ces familles atablées à deux mètres, et les gamines de sixième qui se hurlent à l’oreille “il est troooop beau”, ils sont raccord avec le tableau. Et on a beau faire, on se laisse avoir à notre tour, par ces refrains bien calés, et ces ambiances piochées chez Arnaud Fleurent-Didier ou Phoenix (avec un brin de Florent Marchet dans le chant du clavier, sachant que tous donnent de la voix). God save la France? Les niortais ont l’air de le penser.
Mais viendront-ils aux usines Boinot, ces jeunes et moins jeunes qui paressent en terrasse? C’est un vrai pari car au centre culturel la soirée a débuté par Karimouche, et surtout la soirée de jeudi a été mémorable, parait-il. Tous les niortais nous confirment que le jeudi est “le” jour animé, et Sébastien Chevrier croise les doigts pour que le week-end tienne le niveau de la veille où tout était bondé. Les usines sont devenues centre national des arts de la rue, et on passe un chapiteau avant d’y entrer. Serons nous 800, alors que tant de salles de 500 places ont du mal à remplir à Paris? Le problème est le même, l’abondance, que la gratuité des concerts (sauf 3, dont ceux aux usines) ne compense pas entièrement, fatigue aidant.
La preuve, on s’éclipsera en cours de route, avant que les DJ prennent le relais. Les bénévoles qui vendaient les place au Duplex sont là, distillant dans l’air une bonne humeur délicieuse. On est loin des clichés sur la foire au jambon ou le bal-à-papa, l’exigence de la programmation et le plaisir de tous, on regoûtera à ce cocktail. D’abord avec les Crane angels dont on vous a déjà vanté les chansons.
C’est qu’on en fait du bordel à onze sur une scène ! Surtout que la chorale des débuts, avec un seul instrument, a cédé la place à un groupe dont 9 chanteurs se distribuent les instruments, quitte à se charrier sur scène. Un peu comme une colo de vacances, mais avec d’excellentes chansons. Le style varie du rock’n'roll au rythm’n'blues en flirtant aussi avec un rock plus moderne, et on les verrait bien faire la première partie de Coming soon, le public y trouverait son compte. Vivement l’album!
L’album des Bewitched hands est sorti, lui, il a même eu droit à de beaux articles et à des places d’honneur dans beaucoup de palmarès des disques 2010. On n’était pas sûr de comprendre pourquoi. On a compris, à condition de n’avoir pas oublié les bouchons d’oreille (le leader veut toujours plus de son). Ce n’est d’ailleurs pas lui le chanteur le plus intéressant, mais on accroche grâce à son compère à l’organe androgyne. Voilà un vrai groupe de scène lui-aussi, et certains titres qui nous ramènent à l’époque des Faces ont franchement de la gueule. Dîtes, c’est de voir la queue s’allonger au bar ou il fait un peu chaud? On se garde un peu de sueur pour demain?
Nous n’aurons pas tenu toute la nuit, pas testé l’excellence des DJ ni si les fêtards du vendredi tiennent aussi tard que ceux du jeudi. Pas fou, car on reprend le programme à midi.
Midi? On dirait une heure de concert classique, comme ceux que reçoit parfois le temple protestant, sur la place à laquelle il a donné son nom. La petite foule patiente au soleil, lézarde en échangeant quelques mots sur la famille ou le concert d’avant-hier. Yann Tambour est un peu en retard, mais c’est samedi et le niortais n’est pas un impatient. Des petits jouent au pied de la chaire, le concert est gratuit alors autant venir en famille, quitte à s’éclipser lorsque les petits anges commencent à s’en prendre aux câbles de la sono. “Merci de votre attention, et de votre silence… religieux”. Il s’est présenté en peu de mots, Stranded horse, juste ce qu’il faut. Il joue avec la même justesse, et ce qu’il faut de chaleur pour apporter ce qui nous manquait un peu sur le disque. Un beau moment suspendu. Certains découvrent entièrement, picorant à la volée des explications en quittant les lieux, “il joue de la kora de manière pop, et de la guitare comme les bluesmen maliens”. Le mélange aura plu en tout cas, on fait la queue pour se procurer le nouvel album.
Il fait bon traîner aujourd’hui. Mais les marathoniens peuvent s’en donner à coeur joie, non-stop de 15h jusqu’à 4h00. Un paisible fourmillement, une orgie tranquille où l’on pioche au gré des envies. Aller sous le chapiteau? Attendre l’heure de l’apéro pour écouter François & the atlas mountain? Venu en voisin, le saintais représentera la région au Printemps de Bourges, mais il est déjà adoubé par tous ses confrères. La région est une pépinière plus riche qu’il n’y paraît (Unison, le prince miiaou, Berry, François…).
On a réussi à débaucher un peu la famille pour écouter du gros son ce soir. Gros son et gros bras, le rituel du samedi soir consistant pour certains ados à chercher à entrer sans payer (ils l’ont payé autrement, malheureusement).
Pour les autres, ceux qui n’ont pas fait ami-ami avec la BAC, la soirée a débuté tard mais en trombe. Placer Etienne Jaumet en ouverture, c’est gonflé vu son pedigree, mais il n’y avait pas mieux pour se remplir les oreilles et lever les bras. Seul avec son régiment de machines, il donne une chaleur aux beat techno, une ambiance à son électro, qui sont irrésistibles. Le Dieu du Korg et le prince du moog unis dans le même corps, et c’est rien que pour nous.
Malgré une énergie de feu et un rap-rock façon Beastie boys, on écoute les Binary audio misfits de plus loin. On taille une bavette avec master Etienne, on prend un peu l’air avant de replonger, et à notre retour le groupe fait monter sur scène la moitié des filles de la salle, qui se dérident et finissent même parfois par se saisir du mic! On apprécie l’esprit.
Le crescendo electro-rock s’accentue. Fini le lyrisme de Jaumet entre Moroder et Carpenter. Voilà Toxic avenger qui prend place avec une intro stridente pire que le pire des larsen. Le ton est donné, le rouge est mis. Ca va vite, ça boomboom, ça flashflash, ça va vite et ça vient dur dans la gueule. Les bras se lèvent, les enchaînements sont monstrueusement rapides, les bpm sont bloqués en position épilepsie. T’es un furax Toxic, ton nom est en deçà de la réalité t’es carrément violent! Et ça marche de feu ton truc, on voit bien comment la cumbia nueva ou le baile funk peuvent aussi bien marcher (pour le bonheur des médecins et des kiné). Pas une séquence qui soit tenue plus de 30-40 secondes, parfois moins, enchaîne enchaîne c’est la course en avant, et c’est épuisant.
On est vidé en moins de deux. Sans chercher à savoir ce qui suivra, on rentre en mode automatique, assommé, et on s’écrase sur le pieu en bourdonnant. Journée… contrastée.
Le litre de café est déjà bien entamé, et le dimanche aussi. Des souvenirs remontent entre deux gorgées, comme des bulles de champagne. On verse les dernières gouttes et on réalise qu’on n’a à peine vu un cinquième du festival.
Le ciel gris comme un caténaire ne nous laisse plus grand choix. La fête est finie, il est temps de retrouver l’odeur du métro et prendre plume ou clavier pour raconter aux petits : “tu sais, dans une petite ville, loin là-bas, vivait un festival…”
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La dernière soirée a l’air d’enfer ! Ca m’a donné envie de découvrir ces 3 artistes en tout cas.
D’ailleurs, même si je sais faire péter glouglou, des liens vers tes billets ou vers leurs sites seraient très opportuns depuis les noms des artistes.
Je regrette un peu d’avoir raté ce festival que tu m’avais proposé de couvrir, mais vraiment trop de taf, ainsi qu’une place prise depuis longtemps pour Mogwai. Chiantesquissimes…
ohla oui il manquait des liens, c’est réparé ^^
je crois que tu airas bien transpiré le samedi, c’est sûr :-)
J’ai écouté Toxic Avenger. pas mal, bien qu’un peu sommaire.
Stranded horse dans les prochains jours, mais là je suis en uiquène gros son électro-ebm, donc je vais lui laisser sa chance ^^
Euh… finalement, il y a quelques remixes de tuerie chez Toxic Avenger (par exemple Poker Face (Lies in Disguise Remix)).
ca va me booster pour passer le motoculteur ça !
c’est d’abord un remixeur, devenu live DJ,
c’est sous cet angle qu’il faut l’écouter
Je découvre King Creosote, qui grille la politesse à stranded Horse, mais comme il était déjà dans la liste d’attente (bourrée à la gueule grâce à qui ?).
parfait pour un dimanche matin plein de courbatures, un chouia Antony, un chouia Cascadeur, et tout ça moins maniéré, limite Mark Hollis, effectivement (je dis effectivement pasqu’Arbobo me fait des sélections off ze ouèbe et qu’il m’avait dit ou tout comme : vas y vieux, c’est du talk talk 3e millénaire)
on en reparle bientôt pour le bilan du 1er trimestre :-)