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Memphis belle

Oui, vous avez vraiment cru que je passerai noël sans vous parler de Cat Power, alors que l’annonce de son concert de janvier figure depuis les premières heures parmi mes news.
Et vous vous êtes trompés.

My blueberry nights, de Wong Kar-Waï, est sorti au début du mois. L’image et le filmage atteignent comme toujours des sommets, et c’est un très chouette film. Sans atteindre la grandeur de Happy together ou Chunking express, ses meilleurs films, mais un très joli film tout de même.
Avec ce film, ma déjà très longue liste de chanteuses passées à l’écran s’allonge encore. D’abord parce que le rôle principal est tenu par Norah Jones, pour qui WKW a écrit le film. Elle s’en tire remarquablement bien, présente dans la quasi totalité des scènes, elle prouve d’emblée qu’elle est une véritable actrice. Je ne suis pas vraiment fan de la musicienne, je trouve qu’il manque quelque chose à ses disques, un peu de profondeur, mais elle est très convaincante ici.

L’autre belle surprise vient de Cat Power. Sous forme de mise en abîme.

D’abord, bien que le rôle principal soit tenu par une autre chanteuse, c’est un titre de Cat Power, the greatest, qui rythme les premières scènes situées à New York. Curieusement, alors que j’avais une nette préférence pour Love and communication, dans cet album, The greatest n’en finit pas de s’épanouir et finit par prendre une place que je n’attendais pas. Il me donne maintenant des frissons. Et je ne suis pas le seul si l’on en croit la chronique, WKW le passait en boucle sur le tournage, et il revient 4 ou 5 fois à nos oreilles, dans une bande originale de très bon goùt.

Chan Marshall a enregistré l’album du même nom, the greatest, à Memphis, ville historique de la musique américaine, où elle a travaillé avec les musiciens d’Al Green, alors qu’elle avait passé le début de sa carrière à New York. Un retour au sud pour la native d’Atlanta. Le voyage et le retour, justement, sont très présents dans ce film, comme dans presque tous ceux de Wong Kar-Wai. Mais le clin d’oeil consiste à installer la plus longue partie du récit à Memphis, justement.
Pendant que le personnage de Norah Jones y réside, celui de jude Law reçoit une visite, une apparition.

Cat Power y prend le nom de Katya, et sans perdre son accent du sud la brune aux yeux immenses est censée être russe. Une russe qui, comme la musicienne qui l’incarne, a eu une longue histoire avec un type travaillant dans un bar, à New York…
Coïncidence, ou échos savamment travaillés, comme la ressemblance troublante entre Norah Jones et Natalie Portman, Wong Kar-Wai laisse peu sa chance au hasard.

La scène est courte. Fumeuse invétérée, Chan Marshall vient prendre à Jude Law une de ses clopes roulées, échanger des banalités. L’essentiel de la scène tient dans l’échange de regards entre les anciens amants, on y lit la beauté d’un amour passé que rien n’est venu salir ou affadir. C’est sans doute le plus difficile et le plus magique du cinéma, parvenir à capter un éclat dans le regard, nous donner un échange palpable entre deux êtres par un je ne sais quoi insaisissable.
Cet instant de magie, réussi sur un film entier par Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant dans Un homme et une femme, Jude Law et Chan Marshall nous le donnent durant ce court instant baigné par la grâce. Ceux qui ne connaissent pas ou peu Cat Power, nom de scène de l’envoutante sudiste, auront eu un aperçu grâce à ce film, de ce qui lui vaut l’affection d’un public fidèle.

Cette scène, finalement, résume assez bien le film, son côté fugace, tendre, beau, et ses mille évocations en miroir.

Ces personnages qui déambulent dans leur vie et finissent par la trouver, peut-être est-ce une forme de conte de noël ;-)