Massive énigme (%#?&) : Heligoland au banc d’essai
Planter du décor
Massive attack a attendu 7 ans avant de sortir un cinquième album, on espérait donc s’en prendre plein la gueule comme lorsque Portishead a brisé 11 ans de silence. Depuis Mezzanine, il est dit qu’un album d’eux se doit d’être un choc. Sous peine de décevoir, et, pire que tout, de nous blaser de leur travail.
Comme les articles fleurissent un peu partout (encore heureux), on ne va pas vous détailler ce disque par le menu, mais mettre le stéthoscope sur la veine jugulaire et vous retranscrire ce que ça dit pour nous.
C’est parti pour le banc d’essai !
Mario Cavallero Jr, artiste multimédia
Il est étrange qu’un album aussi passe partout, passable à la limite du médiocre, en tout cas si peu exigeant et encore moins innovant, il est étrange donc disai-je que je l’écoute tant que ça. Des boucles entières, certaines journées plusieurs fois d’affilée. Sur ma bécane, en bagnole sur mon itruc branché sur mon autoradio, le matin dans ma caboche quand je me réveille, à chaque instant depuis bientôt 3 semaines, je vis ce Heligoland comme une seconde peau (on se reportera opportunément à l’illustration didactique et édifiante ci-après qui ne comptabilise que les écoutes locales non mobiles mais donne un aperçu de la démesure qui est mienne au sujet du shamallow qui nous occupe).
Chaque matin, à la première écoute journalière, quasiment tous les morceaux me mettent en appétit au fur et à mesure qu’ils égrènent leurs premières notes soyeuses et mollassonnes, comme ces préparation culinaires sucrées-salées diffusées en mousse semi-compacte chez Mc Donald’s (ce que nous autres appelons dans notre jargon du marketing des “putains de hamburgers”). Aucun des morceaux n’est indispensable à la culture d’un honnête homme (et quand je dis honnête homme, sachez que j’embrasse toutes les femmes), mais la plupart des chansons d’Héligoland me sont devenus métaboliques, consubstantielles de mon fonctionnement vital de base, sorte d’oxygène dont il me faut ingurgiter des litres et des tonnes.
Mention spéciale au flasquement technoïde mais puissamment entêtant Atlas Air qui clôture cet album à la pochette hideuse. Atlas Air dont je fais des ingestions démultipliées, la répétition programmée en boucle sur cette chanson vaguement désabusée aux lignes de synthé farfisiennes et aux altérations fréquentes et inattendues du tempo (au moins 3 changements brutaux à contretemps + ce huitième de temps éludé à 6′40 qui me vrille la tête).
C’est très mauvais signe : au service markèt’ de la SonoWarmer Worldwide (à Besançon), nous pensons tous ou presque que cet album va devenir insidieusement un partenaire régulier de nos journées de travail : un son plein et moelleux, des ambiances tendues mais pas dérangeantes (pas comme le troublant Gil Scott Heron !), aucun morceau qui ne sorte la tête du lot (sauf l’infernal Atlas Air en finale de l’album), un Massive taillé pour la route, pas génial mais confortable.
À se demander si toute la carrière de ces bidouilleux d’open spaces ne se résumerait pas en quelques lignes.
Arnaud
Et puis, j’ai continué d’écouter l’album parce que ce cochon de Mario Cavalero Jr l’avait écouté déjà 7 fois et moi que 3 ! J’en ai profité pour ré écouté 100th et puis Mezzanine. Pas besoin d’écouter Blue Lines et Protection, on sait que ce sont deux putains de super albums qui ont fait découvrir la trip hop à la terre entière, en même temps que Tricky et Portishead. 100th est vraiment mauvais, avec les jérémiades écolo humanitaire de Sinead O’Connor. Donc, après plusieurs années, j’ai toujours l’impression que c’est un mauvais album et Heligoland est quand même nettement mieux. Mezzanine, je le trouve bof, mais bon, le sujet n’est pas là. Donc, je ré écoute Heligoland une 4ème fois, 5ème fois, ….
Et puis le plus gros manque arrive : il n’y a pas de mélodies. Rien ne me reste, les morceaux glissent sur moi et je les oublie. Même Damon Albarn, vrai anglais mélodiste dont j’adore la musique, n’a pas été foutu de créer un vrai morceau avec les gars de Massive Attack. Bon, j’aime bien Atlas Air, Pray for Rain avec le chanteur de TV On The Radio, Paradise Circus avec Hope Sandoval et Psyche avec Martina Topley Bird est pas mal aussi.
Au fait, je n’ai pas de chaîne B&O et je ne bois pas de Bordeaux. Je bois de la bière parce que ça n’a jamais été le bon goût qui a fait les bons albums.
Arbobo
Après une cinquantaine d’écoutes, on nage en pleine énigme. Album décevant. Album manquant de tranchant. Mais album qui tourne en boucle sans qu’on se lasse une seconde, et vers le quel on revient constamment, chaque fois avec un plaisir dont on ne sait à quel point il est coupable ou légitime.
Etrange contradiction, n’est-il pas?
Ce 5e album de Massive (ouais nous tu vois, on dit “massive”, c’est cool, tu vois quoi…), c’est l’échec du snobisme. C’est l’hymne au risque. C’est la démonstration qu’on peut décevoir en faisant du beau. Décevoir avec du beau… Nan mé dîtes, ils sont démoniaques ou bien, pour nous faire un truc pareil?!
Malgré l’absence sensible de risque, on revient souvent vers ce disque. Et on finit par trouver. Trouver que ce disque contient des titres rapides, en tout cas bien plus rapides que d’ordinaire (le dub est un des ferments de massive attack). La boucle de guitare, hyper rapide, qui tournicote dans Psyche, a beaucoup de qualités, mais elle bouleverse le rythme habituel du groupe. Et puis les basses, elles sont où les basses, quelqu’un a dit “doucement les basses”? Montrez-le moi, que je lui explique la vie au chalumeau. Psyche c’est exactement le problème de ce disque. Le morceau est excellent. Mais il nous amène beaucoup trop vers la pop. Après, que Paradise circus rappelle les débuts solo de Tricky, ça devient secondaire. On est de retour à la maison, au moins. Alors que Rush minute nous fait une rechute. tout dans les medium et les aigus. Pour en revenir au dub, c’est un genre qui repose essentiellement sur une bonne basse bien lourde. Atlas air, voilà à quoi ce disque a failli ressembler. Moins de basses et plus de speed, mais sans s’éloigner complètement de la lourdeur qu’on attend du groupe de Bristol. Même constat pour Babel, qui reste réussie malgré ses fréquences qui ne plongent pas des masses.
Un seul instrument vous manque, et notre coeur est dépeuplé.
Bon la morale de tout ça, c’est que cet album est mortel mais que vous voulez pas vous l’avouer :)
C’est de la musique que tu écoutes sur ta Bang et Olufsen en sirotant un bordeaux, en te prenant pour un mec branché avec ta cravate Karl Lagerfeld ! Ouais c’est exactement ça et c’est pour ça que je kiffe ! :)
Des bisous :)
Bon bah je l’ai pas écouté cet album mais Dieu que la pochette est moche !!
(du bon commentaire constructif ça tiens)
Ah merde, je pensais que tu allis le publier demain qu’on puisse avoir une “continuité” dans le “Massive Attack 3 days fight”, mais là, ça va être un peu le bordel… enfin bon, c’est pas grave, on a l’habitude des choses foutraques qui partent dans tous les sens^^
Bref, il y a pas mal de choses avec lesquelles je ne suis pas du tout d’accord avec Arbobo… j’aime beaucoup Girl I Love You, mais pas pray for Rain ni Psyche, je suis un fan absolu de 100th window et Mezzanine, et, concernant le Third de Portishead, j’adore Machine Gun (et tous les morceaux, d’ailleurs…) mais bon, ceci excepté, on se rejoint tous les trois (donc Christophe, Arbobo et moi) sur l’essentiel… c’est un album qui nous a plutôt déçu, dont on attendait beaucoup plus, mais qu’on ne peut s’empêcher d’écouter en boucle, et qu’on trouve plutôt bon… en résumé “c’est pas terrible, mais c’est très bon…”
Mortel ? Non, indubitablement non. C’est ce qui est d’autant plus étonnant qu’un album n’a pas besoin d’être mortel (comme Third, pour faire souffrir de la concurrence avec des exemples impressionnants) pour se rendre indispensable.
Ceci étant, dans ma perception, cet album n’est nullement, comme l’entend Arnaud, ce truc un peu cosy pour gonzes raffinés (ou qui cherchent à l’être).
Je ne le ressens pas non plus comme une arnaque d’un groupe générationnel qui n’aurait pas su dépasser l’an 1998.
Enfin, comme Arbobo le regrette, ce manque de basse, un réel problème et qui nuit gravement à la qualité générale de l’album, n’est pas rédhibitoire, puisque ce sont justement (deuxième reproche d’Arbie) ce côté pop qui m’aide à me fixer durablement sur l’album.
Ce qui est certain, mortel ou non, c’est que je n’ai pas fini d’écouter cet album, moins vibrant et sombre que 100th window (que j’aodre, bien que non génial non plus). J’aurais pu également ajouter que cet album me paraissait trop gai lors de mes premières écoutes, alors qu’au fil des écoutes je le trouve de plus en plus plombant.
Ce qui est un gage de qualité pour moi.
Raaaah je n’avais pas fini : je reprends au milieu
Je ne le ressens pas non plus comme une arnaque d’un groupe générationnel qui n’aurait pas su dépasser l’an 1998, comme le ressens Dragibus : http://lesinsectesontnosamis.hautetfort.com/archive/2010/01/22/massive-attack-massive-arnaque.html
La phrase du jour
en résumé “c’est pas terrible, mais c’est très bon…”
oui, c’est un peu ça. En revanche, quand tu dis :
- “c’est un album qui nous a plutôt déçu, dont on attendait beaucoup plus”
b’en non, je n’attendais rien de particulier, très étonnamment. ,
Ce qui est certain, c’est que les goûts sont très différents sur les mêmes morceaux ou albums, et j’imagine qu’on peut avoir sur un même morceau de MA des perceptions très différentes les uns des autres.
100th window que j’adore parce que très sombre est détesté de beaucoup parce que trop aérien, et je pense que les deux perceptions sont cohérentes.
idem, Prayers for rain est d’une grande noirceur, différemment de Girl I love you (que ce titre est naze), inquiétant avec des passages de BO de film d’horreur dans l’espace et ses cuivres presque dissonnants.
Psyche est très proche du malaise de Tricky période Maxinquaye-Premillenium tension, et l’éther troublant de la voix de Martina et de ces arpèges de guitare classique en une stéréo tourneboulante frise largement les ambiances mortifères bien que célestes (ouh pinaise c’est beau comme image) des Cocteau Twins périodes Garlands ou Victoria. Et puis cette transition avec le Guy Garvey ! Waouh !
Ces quelques exemples pour indiquer les biais d’écoute qui sont les miens et qui, je le parierais sans problème, croiseront pour certains morceaux les vôtres et seront en totale opposition pour d’autres morceaux.
Différences de perception, je crois que c’est le trait caractéristique de cet album qui n’a pas fini de créer des avis fortement divergents.
Reste que tant de place à la subjectivité est quand même le signe d’un manque de génie ou de nullité crasse qui mettrait tout le monde (ou presque) d’accord.
benjamin, ce n’est pas pour rien que pour une fois on fait une chronique à plusieurs voix,
en ce qui me concerne ce n’est pas pour faire le malin,
mais parce que c’est extrèmement rare qu’un disque me fasse des effets aussi contradictoires.
D’ordinaire je peux dire ce que me fait un disque, s’il me plait, m’amuse, me touche, m’emmerde, là je sais juste que je l’écoute tous les jours, sans forcément être beaucoup plus avancé ^^
mais j’aurais aimé prendre une claque.
la claque, c’est scott-heron qui me l’a mise, et pas qu’un peu
hey vous avez d’une désintox les gars, comment vous pouvez écouter autant de fois ce disque sans vous noyer dans l’ennui qu’il dégage ?
je ne l’ai écouter qu’une fois et j’étais pressé qu’il se termine, je ne m’y risquerais pas une deuxième fois …
d’une certaine manière on peut dire qu’ils ont réussi leur coup en tout cas ^^
d’autant qu’ils avaient laissé entendre qu’ils ne sortiraient que des maxis et pas d’album.
le maxi de splitting est pas mal, mais il n’a pas eu le retentissement de Heligoland dont absolument tout le monde parle :-)
(une des rares exceptions à la règle que je me fixe sur arbobo.fr, avec PJH, cat power et portishead)
moi, je suis content que Christophe, il aime pas Girl I Love You. Je suis content que la photo collée à mon article, soit un vieux rasta à lunettes, j’aime beaucoup le commentaire de Vaness (je ne sais pas qui c’est, mais chapeau, ça c’est de la critique d’art comme je les aime) et j’aime bien que Mathieu dise “Un seul instrument vous manque, et notre coeur est dépeuplé”.
J’aimerai savoir qui est Scott Heron dont parle Mathieu parce que comme ça on parlera plus d’Heligoland.
J’ai réécouté comme ça Blue Lines et Protection et j’ai été sidéré par la lenteur et le calme de ces deux albums. Ils sont bons, mais dans mon souvenir, ils étaient beaucoup plus violents, bouleversants que ça. En fait, c’est notre triste monde qui a évolué et nos oreilles avec; et Heligoland est un digne successeur de Protection. A mes yeux, Heligoland se rapproche plus de Protection que Mezzanine ou 100th et les deux gars de Bristol ont fait un album qui est à leur image à mon avis.
PS : le meilleur morceau de tous les massive attack se trouve sur un maxi sorti juste avant Mezzanine. Le morceau s’appelle Superpredators.
Y’a pas à dire vous êtes tous très forts: vous m’avez convaincu qu’il faudrait que j’écoute cet album sans pour autant me convaincre de l’acheter !
Merci.
Au début j’étais assez d’accord avec Christophe sur le côté addictif du disque, et puis je suis partie une semaine, je l’ai complètement oublié, pas eu envie de l’écouter, et il a fallu que je le réécoute 2 ou 3 fois pour me le remettre en mémoire.
Ce qui fait que maintenant je suis encore moins convaincue par Helligoland.
D’abord il y a une vraie impression de déjà entendu qui est permanente, j’irai pas jusqu’à dire ringard parce que c’est tout de même un disque de maintenant (enfin là j’écoute Saturday come slow et c’est du Ghinzu d’il y a 5 ans), mais il n’y a rien de neuf
Et sans le trouver trop pop ou trop “joyeux”, il est loin d’être sombre, plutôt lancinant, voire fainéant. En fait je sauve juste Rush Minute et Atlas Air du lot (girl I love you et Babel sont celles qui me tapent le plus sur les nerfs)
Tout ça pour dire que ça m’étonnerait que je continue à l’écouter longtemps
et ce disque démontre, en creux, combien 100th window est un grand disque, sans doute trop dédaigné à sa sortie, trop sec, pas assez sexy, et pourtant …
Très intéressants et complémentaires ces trois avis… Moi, j’aime bien ce disque, mais mon avis ne compte pas puisque je n’ai jamais été - comme vous autres - particulièrement fan de Massive Attack… Ce qui est certain, c’est que je n’ai jamais été surpris en l’écoutant… Et par charité pour MA, mieux vaut alors ne même pas évoquer Third…
Pat charité pour quiconque, il ne vaut mieux ne JAMAIS évoquer Third.
par charité pour quiconque, il ne vaut mieux JAMAIS écouter les avis de Christophe. Parce que je peux prouver que, jeune et beau à 16 ans, il écoutait Pink Floyd, mettait un chapeau pour aller au lycée et foutait ces foulards arabes qu’on trouve encore et dont je ne connais heureusement pas le nom.
Et parfois même, il mettait des salopettes! Mais ça, bien sûr, personne n’ose le dire….
Je n’ai pas encore écouté cet album, mais je suis très intrigué :)
Un album jugé un peu décevant, mais qui tourne en boucle sur vos platines… J’aime ce paradoxe.
Peut etre que l’actualité musicale est aussi un peu fade ce mois-ci ?
salut pilgrim,
avec un énooooooooormissime Gil SCott-Heron, 2010 est déjà une grande année au contraire ;-)
et le US girls est pas mal non plus!
Oh ! Gil Scot-Heron est sur Spotify !! Bon ben je sais ce qui me reste à faire ;)