Let’s bonnapétons : le konki duet rugit de plaisir
Couleurs saturées, lumière blafarde.
Tenues par deux mains fardées et maladroites les verres s’entrechoquent et l’odeur de vodka vient couvrir celles des ébats.
Rouge comme les ongles enfoncés profondément. Rouge où se mêlent les lèvres au bloody Mary.
Le rouge est mis, on ne l’a pas vu venir. A force de savoir pratiquer l’understatement musical, le Konki duet semblait avoir fait sa marque de ce rock passé à l’éther de leurs voix aériennes. C’était oublier leur amour de Queens of the stone age, des dérangés Deerhoof, ou des durs de durs comme les Melvins. Ou comment passer pour des filles sages tout en ayant dans le coffre de la bagnole de quoi faire exploser les tympans de toute la ville. Plaire à papa-maman pour mieux pervertir leur petite bande d’ados et les attirer hors du droit chemin.
On a toujours pris au sérieux le Konki duet, son sens du contre-pied, la capacité du trio à dégager de morceaux généreux et entêtants une identité originale et forte. Sans avoir l’air d’y toucher. C’était peut-être leur talon d’Achille, cette image trop polie. Trop exigeantes, nos trois amies, pour se laisser aller aux effets faciles et aux signes extérieurs de rockitude. Les murs de la ville croulent sous les affiches de mannequins payés pour avoir le majeur dressé, or le Konki duet est incapable de faire du formaté, du conforme, et encore moins de donner dans la pub Nivéa.
Le rouge est mis. Clairement. Depuis l’incroyable Riff, largement à la hauteur des deux albums superbes qui l’ont précédé. Un Riff mis à l’honneur dans la série Mafiosa, et le pacte avec les forces obscures est enfin révélé. Elles ne sont donc pas que des mélodistes hors pair capable de tricoter nos rêves comme personne.
Le Konki a coupé court aux préliminaires dans Let’s bonnapétons. Au risque de nous cueillir à froid dès Heartful, avec l’impression de débarquer à un concert déjà commencé. Bandés, saillants, les morceaux comme les muscles des trois alpinistes en route pour les sommets. “Be my dog, I want you be my dog”, dès le premier break Zoé s’en prend à nos hormones, mêlant humour et provo.
Avec la pré-retraite des Kills et le nouveau trip babos de PJ Harvey, on se demandait où trouver notre came. Trois dealeuses de premier ordre se chargent de nous injecter la dose droit dans la jugulaire. Crapoteux comme un rêve à deux, These days remplace le speed du tempo par la tension à son comble. Plus rock, les Konki, malgré les claviers toujours présents, plus sombres mais toujours aussi gaies, moins rêveuses et plus femmes d’action que jamais.
Chaque écoute nous immerge un peu plus. Car elles n’ont pas choisi la facilité (elles ne l’ont jamais fait) et les compos sont plus riches que jamais. Le chant colporte un danger qu’on n’avait pas soupçonné jusqu’ici, même si la seule vraie menace est de devenir accro si on ne l’était pas encore.
Les claviers eighties prennent progressivement le pouvoir comme si la face B faisait à l’envers le chemin de la face A vers le rock 90s. Ce break trompette-clavier dans Bungalow, qui ravale Metronomy au rang de pâles suiveurs.
Jamais le trio n’a chanté avec autant d’ambiguïté, jamais elles n’ont porté le velours avec plus de double-sens et ne sont autant joué de nous. Pourtant elles diront avec malice que rien n’a changé, que leur version fabuleuse du Savoir faire de Family fodder est au menu de leurs concerts depuis cinq ans. C’est vrai. Mais elles cachaient leur jeu dans de doux écrins aussi délicats que ceux d’Au revoir Simone, alors que trois tigresses attendaient leur heure dans le moteur. On saisit l’occasion d’un répit quand arrivent les titres les plus doux, comme ce London fields arraché à l’esprit de Stereolab.
Pour mieux nous faire danser ensuite avec L’esprit de la ruche ou Kenjamin qui portent implicitement la marque de Kumisolo, mais Let’s bonnapétons s’achève aussi fort qu’il a commencé, furieusement.
Kumi, Tamara, Zoé, sont nées grandes. Déjà matures aussi, en témoignent leurs premiers disques qui n’ont toujours pas pris une ride. On se demande s’il ne leur manquait plus que de savoir nous surprendre encore plus. C’est dérouté qu’elles nous laissent après 33 minutes d’orgie, le cheveu en bataille et les bouteilles vides. Elles ont à peine pris place dans le taxi qu’on compose déjà leur numéro.
Let’s bonnapétons sort le 18 avril chez Tsunami addiction/clapping music
Tweet
Mais le 18 avril c’est pas encore !
résultat, tu nous aguiche et on ne peut pas assouvir notre besoin de découverte par tous moyens appropriés.
Et là, je dis : aaaaaaaaargh.