La voix modèle : quand le podium mène à la scène
Un beau visage, une plastique avenante, n’ont jamais nui à une carrière artistique.
D’Elvis à Beyoncé, de Marvin Gaye à Kylie Minogue, chanteurs et chanteuses sont souvent des objets de fantasmes, des icônes sexuelles.
Mais plus rares sont les mannequins passés de la pose photo pour slip brésilien aux salles de concert. Leurs parcours ne sont pas moins intéressant que beaucoup de leurs consoeurs. Je laisse de côté ceux et celles qui n’ont pu faire un disque que grâce à leur notoriété, sans aucun talent musical ni disposition pour le chant. On trouve aussi de vraies chanteuses, parmi lesquelles de très talentueuses
Cas un peu à part, Nico, celle qui chanta avec le Velvet Underground, fut surtout chanteuse (une poignée d’albums déchirants), mais plus souvent identifiée comme mannequin. Curieux et injuste pour l’une ds plus grandes chanteuses de l’histoire du rock (ne cherchez pas la blague, c’est l’exacte vérité).
Un temps la complice de Mirwaïs, la fine et pétillante Juliette Desurmont fut durant deux albums la voix et l’auteure de Juliette et les indépendants. La classe, la classe, deux fois la classe, et le mot est faible pour l’une comme pour l’autre.
La classe encore, doublée d’un avant-gardisme impressionnant, pour l’étoile filante Lizzy Mercier-Descloux, pionnière du crossover carribéen, trop tôt disparue.
La France est décidément copieusement servie, avec Ophélie Winter et Carla “B”, qui toutes deux participent largement à l’écriture et la composition. Zazie fut également une abonnée des podiums avant de devenir la (prolifique) chanteuse préférée des français. Un succès récent, “Oh”, a aussi fait découvrir la voix de l’australienne, Micky Green. Mais la plus connue est certainement Grace Jones. Ouf, on commençait à prendre peur, après un si beau départ. La reconversion en beauté, ça existe.
Une jeune femme au nom invraisemblable vient nous le rappeler à grand coup de groove. Quand on reçoit un disque d’une artiste appelée “Inlove” (amoureuse), le premier réflexe est de partir en courant. Mauvais cliché, racolage de bas étage, on hésite encore.
Heureusement, un disque s’écoute d’abord avec les oreilles, et ma foi sans déplaisir. Cette chanteuse a un parcours peu connu mais très estimable.
Sur ce disque, Stories, Inlove navigue entre un groove un peu Jamiroquai et une ambiance “acid jazz” (pour peu que ça veuille dire quelque chose), donc plus classy que charnelle. Entre les lignes, comprenez que ça sonne assez 1990, pas hyper moderne, et pas non plus comme à la grande époque de la soul (les 70s), même si on voit sur les photos de la grande sylphide un étalage de galettes “d’époque” du meilleur goût, de Miles Davis à Roy Ayers.
L’inconvénient d’afficher des goûts très sûrs, c’est de susciter les comparaisons. Quand Gainsbourg faisait swinguer Nerval, plus d’un siècle le sépare du poète, mais intituler un morceau For Minnie Ripperton, chanteuse dont l’aura grandit chaque jour, même une Angie Stone ou une Jill Scott y réfléchirait à deux fois. La voix de Inlove ne joue d’ailleurs pas de ce registre, légèrement pincée, un tantinet plus funky que soul (ses attaques très nettes, ses notes carrées), même si elle partage avec son idole une voix très en tête, posée avec délicatesse plutôt que sortie du ventre.
Le son est encore la partie la moins réussie, un peu trop compressé, avec un mixage assez mat, ça sent le home studio maîtrisé mais jusqu’à un certain point, un son pas assez souple à mon goût pour l’ambition soul revendiquée. Rien d’énervant ni de catastrophique, et du moins Inlove a-t-elle le mérite de choisir une option qui n’est pas dans l’air du temps, au point qu’on doute qu’une radio la programme.
Il y a des morceaux séduisants sur ce disque, comme ce Sweetest pain imprégné de Marlena Shaw, son Winter in New York qui évoque la Motown des années insouciantes, ou cette reprise surprenante de The look of love. Ce tube repris des milliers de fois est abordé sans originalité, mais avec une basse ronde à la Chic, et surtout, surtout une voix tellement proche de celle de Dusty Springfield, son interprète originale, qu’on reste surpris. Cette version n’apporte rien, mais on mesure enfin la qualité de la chanteuse. On se dit que la prochaine fois, un poil moins de DJ Cam aux commandes, et un peu plus de Inlove à la voix, ça mériterait d’être tenté.
A défaut de nous faire succomber, Inlove aura du moins gagné notre respect et fait tomber les préventions qu’on avait à son endroit. C’est un joli score.
Stories est paru le 7 septembre.
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quoi ?
même pas dans les citations et son excellent album dubbesque ?
tiens, j’ai foiré mon lien…
je parlais donc de Leslie Winer !
je la découvre grâce à toi, yosemite :-)
merci,
et surtout, surtout, j’avais oublié l’une des plus grandes de toutes avec grace jones, incroyable oubli d’ailleurs (acte manqué!) : lizzy mercier descloux
pour le coup, ce fameux article que je promets depuis des lustres, il sortira bientôt ^^
l’album de Leslie Winer était vraiment super bien (pour un top model d’autant plus)
ah ! Lizzy ! j’aime cette Afrique.
J’adore Juliette Desurmont, classe, chic, élégance et intelligence dans ses choix (de Mirwais aux Indépendants)
comme je te comprends disso !
mardi tu auras même le droit de lire une interview d’elle :-)
Justement pdt que je lisais l’introduction concernant Inlove, je me posais la question, elle ressemble à la nana produite par DJ Cam… CQFD :P
(concernant Nico, nous sommes plus que sur la même longueur d’onde ;-))
Par contre, c’est pas pour dire, c’est juste un avis perso, mais qd bien même la dite Inlove est un porte-manteau de luxe ambulant, c’est pas en matant la pochette qu’on a envie d’écouter l’album… les goûts et les couleurs…
par contre l’autre photo avec ses vinyles, d’Innervisions de Stevie en passant par The Awakening d’Ahmad Jamal, c’est autre chose. :)