La musique de papa
Yarol Poupaud, figure du rock français depuis les années 80, fait feu de tout bois en ce moment. Hier sur France 2, on pouvait le voir dans un petit rôle, et entendre sa musique, dans un très bon téléfilm. Un rock bien balancé, mais qui reste un “personnage” secondaire.
Déjà, un film dont le trop rare Antoine Chapey tient un rôle principal ne saurait être mauvais, surtout si la sublime Marilyne Canto vient lui donner la réplique. Mais La musique de papa a d’autres atouts en manche. Calé dans la collection “suite noire” dirigé par Pouy, ce téléfilm joue moins sur la corde du polar que celle du portrait rock. Malgré la menace ambiante, la trame familiale tient le premier plan.
Comme une mise en abîme, ce film mettant en scène des rapports familiaux est lui-même un film de famille. Patrick Grandperret, qui le réalise, l’a notamment co-écrit avec… Emilie Grandperret, et le personnage central est interprété par Léo Grandperret.
Producteur ruiné, père absent, Richard voit débarquer dans son squat son grand dégingandé de fils, Jules. Criblés de dettes l’un et l’autre, ils nouent des liens tardifs autour de la musique. Le père offre une guitare à son fils, fait signer son groupe, lui trouve un contrat et une scène prestigieuse, grâce à ce qu’li reste de ses réseaux.
Bon comédien, Léo Grandperret est d’autant plus crédible qu’il se produit avec son véritable groupe, Kings of cash, dont il est chanteur et guitariste.
Un musicien d’assez bon calibre pour entrer dans un personnage visiblement taillé sur mesure. Abîme supplémentaire, la présence aux compos de Yarol Poupaud (ex FFF, notamment) convie l’ombre du frère Melvil, comédien et chanteur à ses heures (ils furent réunis dans le groupe Mud).
Inversant les priorités habituelles, le film relègue en arrière-fond la trame policière, qui sert essentiellement à accélérer l’intrigue familiale. C’est d’ailleurs la grande réussite de ce moyen métrage (65 mn). Car très rares, sinon inexistants, sont les films de fiction réussis qui ont pris pour sujet principal le milieu du rock ou ses dérivés. Or outre le portrait familial, brossé juste sans appuyer, où Agnès Soral campe un contrepoint idéal au père “cool”, le scénario tourne bel et bien autour du rock.
Prenant appui sur le décalage entre générations entre père et fils, au lieu de le surligner Grandperret préfère lui ajouter une autre incompréhension générationnelle, entre les rockers vieille école et la génération internet, trouvaille scénaristique qui donne son épaisseur au film.
Les aléas de la vie de producteur, et ses montagnes russes financières, sonnent juste. Tout aussi bien vu, le rocker fini qui s’accroche à son savoir faire passé et ses rêves de grandeur résurgents, ou la chimie fluctuante du groupe lui-même.
Embarqués sans trop savoir dans quoi, débordant de désir d’intégrité, empêtrés dans des embrouilles à la petite semaine et des histoires de cul sans envergure, le groupe fait sous nos yeux “l’apprentissage du métier”. En voix off, le père concède avec juste ce qu’il faut de honte qu’il se sert de son fils -talentueux- pour se refaire la cerise.
Rarement un film, peu ambitieux pourtant, une série B télévisée, n’aura donné un aperçu aussi réaliste du milieu rock. Sans caricature, sans ridicule d’images toutes faites (on nous évite les scènes de défonce, même si on sait bien qu’elles existent elles feraient inévitablement cliché), avec juste ce qu’il faut de détails microscopiques pour se sentir “dedans”.
La difficulté tenant à ce que le milieu rock regorge réellement de caricatures, qui pour la plupart feraient “trop” dans un film de ce format, et s’en tenir à une réalité “moyenne” s’avère un parti-pris payant.
L’ensemble est traité avec une certaine légèreté, un rythme relevé sans tomber dans la saccade speedée. On a tout de même le temps de s’attacher à ce père bancal de partout et ce grand ado un peu dépassé par les évènements. Un joli ovni estival, sans prétention mais finalement assez unique en son genre.
Reste à vous débrouiller pour le voir après sa diffusion du 2 août sur France 2.
Tweet
c’est malin de donner envie de voir un film une fois qu’il ne passe plus ! :-/
est ce que le livre est à la hauteur de sa mise en images ?
je l’ai en VHS,
mais combien d’entre vous on encore un magnétoscope… ^^
Le dvd sortira fin septembre chez FTD.
Si vous avez aimé, allez voir le site suite-noire.com
il y a des extraits et un boeuf assez sympa.
merci antoine, ce dvd est une excellente nouvelle
et j’oubliais, rififi : je n’ai pas lu le livre, je sais juste que d’après les inrocks les dialogues sont plus réussis et plus justes dans le film que dans le roman
Le film repassera sur Arte !
Si vous voulez encourager les musiciens passez sur le myspace des Kings Off Cash (qui ont composé tous les morceaux que vous entendez dans le film, à part les musiques d’ambiance, concoctées par l’excellent Yarol Poupaud) : http://www.myspace.com/kingsoffcash
ah, merci de la précision marie !
le générique et le dossier de presse étaient un peu ambigu sur ce point.