L, A, E dans l’A

En 1967, Robert Enrico sort Les aventuriers, un film rare à la télévision comme en VHS. Ce film, baigné par la lumière de Charente-Maritime et la musique de François de Roubaix, j’en regardais il y a quelques minutes le générique de fin (merci Arte). Malgré un final pétaradant, où les gangsters tirent dans tous les coins sur un Delon qui sort sa panoplie complète de grimaces avant de rendre l’âme, c’est un bon film. Un film qui tient une place importante dans ma vie.
Le thème de François de Roubaix y est décliné de plusieurs manières, lui qui a surtout laissé de sa courte carrière des musiques de film. Un bon film, où Delon ne joue pas mal (un exploit), où Reggiani est parfait en salaud, où Lino Ventura est bien sûr excellent, une fois de plus dans le rôle du mec bien.
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Parce que le fort Boyard tient une place importante dans ce film, par exemple. Ce fort, il faisait partie de mon paysage chaque été et combien de week-end encore. Avant d’être racheté par la société qui produit le jeu télé que l’on sait, il appartenait depuis 30 ans à un particulier qui le laissait tomber plus que jamais en ruine. Mon beau frère y avait mis pied lorsqu’il était moniteur de voile et que le temps était clément, quand les vagues et le courant ne faisaient pas de l’approche du fort une roulette russe. La voile j’en faisais, aussi, et un matin que je tirais des bords en catamaran, mon père accompagné d’un de mes frères et d’un cousin, accostèrent et se promenèrent dans ce lieu étrange, sorti de nulle part. J’avais une dizaine d’année et j’étais jaloux de ne pas avoir été de la partie. Une prochaine fois. Une prochaine fois, donc je remballai ma déception, et quelques mois plus tard l’arrivée du jeu télé rendit le lieu définitivement inapprochable. Il n’y aurait pas de prochaine fois, donc.
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Ce sont mes cousins qui jouaient aux aventuriers, qui me parlaient de ce film de Enrico, c’est à eux que je désespérais de ressembler un jour. Puis vient l’âge où il n’est plus possible de ressembler à celui qui est parti, car on est déjà plus âgé que lui.
Voilà pourquoi je ne pouvais pas attendre d’écrire ce billet. L’écrire contient mes larmes. L’écrire repousse quelques minutes encore le moment où je vais m’effondrer comme un chien battu. Quelques secondes encore.
Voilà.
Merci. Et tiens, un mouchoir pour secher tes larmes…Et vite, vite, un stylo pour que tu continues à écrire, pour que je continue à te lire, car oui, j’ai lu et ça me plait.