Kelly de Martino, l’interview en VF
En prime vous pouvez écouter Bumblebees, tiré de Radar (2005).
Les photos sont de Chrystèle.
Samedi (le 26 avril) ce sera ton 2e concert aux Femmes s’en mêlent, tu as déjà joué dans ce festival.
En 2005, je crois, j’ai fait le festival.
C’était la première fois que tu jouais sur scène en France?
C’était il y a longtemps… Non la première fois que j’ai joué à Paris j’ai ouvert pour Pierre Bondu, au Café de la Danse. Je n’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. J’avais seulement joué à Los Angeles dans de petits clubs, et tout d’un coup je suis dans cette salle, avec un public complètement différent.
Un public français, avec tout le monde qui reste assis, silencieux, je me souviens que mes genoux tremblaient, entre les morceaux je pensais “il faut que je rentre chez moi après ce concert, j’abandonne et je cherche autre chose à faire, parce qu’ils détestent, ils me détestent et ils détestent ma musique”. J’étais terrifiée.
Puis j’ai appris progressivement, en France les gens écoutent, ils écoutent vraiment la musique. C’est un énorme compliment, mais personne ne m’avait prévenu, alors il a fallu que je me débrouille toute seule avec ça. Mais bon, c’était mon premier concert, ensuite j’ai fait quelques concerts au Café de la danse, les concerts pour les Femmes s’en mêlent étaient fabuleux, parce que j’ai joué avec Martha Wainwright, qui est une des raisons pour lesquelles je fait de la musique.
Quand j’habitais New York, que je n’avais encore jamais appris à jouer de la guitare, je n’avais encore jamais chanté, je n’avais suffisamment confiance pour le faire… mais je jouais des claviers dans différents groupes. Je suis allé la voir, personne ne savait qui elle était à l’époque, c’était un petit club. J’étais là, il y avait Rufus, qui parlait fort pendant tout le concert, vraiment fort, on pouvait à peine l’entendre chanter alors qu’elle était à 4 mètres.
Frère indigne
Oui vraiment le sale frère, et finalement elle s’est énervée, “Rufus, si tu ne veux pas écouter, alors au moins viens sur scène chanter!” Et ils ont commencé à se chamailler sur scène comme de vrais frère et soeur, elle a commencé à jouer, il s’est mis à chanter, et j’ai réalisé que j’étais en présence de quelque chose de véritablement beau. Elle était si magnifiquement défaite. Tout partait en morceau, ses cordes cassaient, et elle s’interrompait en cours de morceau, et sa guitare était désaccordée…
Mais elle était touchée par Dieu. J’étais si inspirée, que du coup je suis retournée la voir dans tous les clubs, partout où elle jouait, et je lui disais à quel point elle était incroyable. Pendant disons la première année, elle se disait “oh non, c’est encore cette fille”, tu vois le genre de fan glauque. J’étais une de ces fans glauque. Un jour elle avait besoin d’une coupe de cheveux, et il se trouve que de temps en temps je coupe les cheveux, j’aime bien ça, pas professionnellement mais j’ai fait de bonnes coupes,
et quelqu’un lui a dit. Je lui ai fait une coupe super, et on est devenues amies après ça. Mais vraiment, après l’avoir vue, j’ai pris ma guitare et j’ai composé ma première chanson. Le soir même.
Donc tu avais déjà une guitare.
Depuis des années j’avais une guitare, des années et des années
Mais tu n’y avais jamais touché jusque là.
C’était comme une énigme, un casse-tête posé dans mon appartement. Comment on joue de cette chose? Je la prenais, je faisais semblant… C’était très difficile pour moi de ne pas réussir tout de suite. Et au début il faut d’abord être mauvais, maladroit. Je n’arrivais pas à affronter ça, je voulais la saisir et être bonne tout de suite.
On dirait que tu n’aimes pas être maladroite, que tu te fixes des objectifs élevés.
Tu trouves? En vérité je ne suis toujours pas une très bonne guitariste. Au bout du compte j’ai décidé que je voulais devenir une guitariste charmante, c’est mon objectif qu’il y ait quelque chose de charmant dans ma manière de jouer. Et il faudra bien que ce soit ça, parce que ce n’est toujours pas naturel pour moi de jouer de la guitare.
Ca devient plus naturel, mais j’aime ce challenge, et j’aime aussi les erreurs, le côté un peu cassé, parce que ma musique est un peu cassée, et les sujets de mes chansons portent sur des choses brisées, alors ça colle. J’ai fait en sorte que ça colle.
Tu serais plus à l’aise aux claviers?
Le piano c’est tellement facile. Je joue du piano depuis que j’ai 6 ans, mais ce n’est pas la même sensation. Peut-être parce que j’ai fait de la musique classique, qui est très rigoureuse, ça n’est pas pareil, je ne le ressens pas profondément en moi. Il y a quelque chose avec la guitare de très puissant, même si on n’en joue pas très bien. L’amplification, le son, cela correspond mieux à ce que je ressens. Techniquement, la logique voudrait que je joue plus du piano, parce que je sais vraiment en jouer.
C’est curieux que tu parles de puissance à propos de la guitare, parce qu’en écoutant tes disques je n’ai pas ressenti ce rapport à la puissance, à l’exercice d’un pouvoir.
C’est plus lié au fait de jouer sur scène. Parce que c’est une barrière. Au début de l’interview je voulais garder la guitare sur moi, parce que c’est une protection, et une forme d’identité à laquelle me rattacher. C’est une manière de ne pas être à nu, à vif. Je n’imagine pas chanter sans un instrument, que ce soit un piano, un accordéon ou une guitare. J’ai besoin d’avoir une sorte d’armure. Comme le sujet est à nu, cru, au moins j’ai quelque chose avec moi, pour la route.
Peut-être que “puissance” n’est pas le mot approprié, parce que moi non plus je ne vois pas comment il peut s’appliquer à ma musique. Plutôt “protection”.
Est-ce aussi parce que tes paroles sont si personnelles?
J’ai appris une chose avec Radar, j’ai écrit les chansons sans penser que quelqu’un d’autre les écouterait. Même pendant que nous enregistrions, nous faisions un disque mais mon unique but était de faire une musique vraie, et qui reflète sincèrement ce que je ressentais? Jamais je n’ai eu en tête que d’autres gens allaient entendre mes sentiments, ma vie, ce que je sens, ce que j’ai traversé. Je ne l’ai réalisé qu’en donnant ma première interview sur Radar. Soudain quelqu’un savait des choses de moi, et je ne voyais pas comment.
Ca m’a ouvert les yeux sur tout un monde là dehors, que j’invitais à connaitre toutes ces choses. Ce qui est étonnant c’est qu’en faisant Honest, le disque, j’ai oublié à nouveau. A nouveau, j’ai fait le disque qui m’était le plus proche, le plus personnel sans me soucier des informations que ça donnait sur moi. Je le faisais pour moi-même. Les deux disques.
Et quand tu es sur scène, comment vis-tu la relation avec le public?
C’est compliqué. Je continue à chercher comment entrer en contact avec un public pendant que je suis sur scène. Je ne connais pas d’autre moyen, pour l’instant, que d’être dans ma chanson, être dans mon monde, et le présenter. Je ne sais pas faire le show. C’est tout un aspect de la musique, considérée comme une industrie, que j’apprends au fur et à mesure. Comment faire au mieux pour inclure les gens dans cet univers? Peut-être simplement en étant moi-même dans ce monde et en partageant cela.
Je ne sais pas danser, amuser le public, ce serait bien, je suis émerveillée quand je vois des artistes qui mettent en scène un vrai spectacle, avec de la danse, tout ça. Peut-être qu’un jour j’y parviendrai, mais ça n’a pas l’air d’être dans un futur proche.
J’ai été surpris que tu parles de la guitare comme d’une protection nécessaire sur scène, parce que tu es une actrice, tu as l’habitude de t’exposer au public. C’est différent de chanter.
C’est différent. L’énorme différence lorque j’étais actrice, c’est que je racontais l’histoire de quelqu’un d’autre, avec les mots d’un autre, en étant dans la peau d’une autre personne. Aucun rapport avec moi, en dehors de l’interprétation que j’en donne, ma manière de bouger ou de parler. Dans ma musique, mes chansons, il n’y personne derrière qui me dissimuler. C’est moi, c’est moi qui tiens la barre et mène ma barque.
Tu es entre deux pays, la France et les Etats-Unis. Tu as déjà raconté l’histoire qui t’a amené à signer sur un label français, mais ce qui est étonnant, et peut-être un peu triste, c’est que le public américain ne te connait pas vraiment.
Du tout. Même pas “vraiment”, il ne me connait pas du tout. Chez moi, je suis une “nounou”, c’est mon identité. Je suis très fière d’être une nounou à vrai dire. Je suis gaga du petit garçon dont je m’occupe. Je lui chante des chansons, je lui en ai composé, ça fait vraiment partie de ma vie là-bas. J’exagère un peu, en vérité je fais des concerts à Los Angeles, mais c’est différent. Je ne suis pas distribuée aux Etats-Unis, alors pour jouer c’est différent, c’est seulement dans de petits clubs.
Les gens ne peuvent pas acheter facilement tes disques.
Oh non ! En gros, ils doivent me demander mon disque à la fin du concert, et moi je dois leur répondre que je n’ai plus aucun exemplaire, parce que c’est vrai je n’en ai plus.
Désolée, une prochaine fois.
Heureusement le dernier est sur itunes. On rattrape un peu le retard.
Du coup ton existence musicale est principalement européenne.
Je crois qu’à l’origine, j’étais terrifiée par l’industrie musicale aux Etats-Unis. Pour quantité de raisons. Pour commencer, j’ai vu des amis à moi, incroyablement talentueux, enregistrer pour une major, et être mangés tout cru. Ils ont vu des années de leur vie partir à la poubelle parce que leur disque restait sur une étagère d’un label. C’est une première chose qui me terrifait, non pas que je m’imaginais avoir un succès fou.
L’autre raison… peut-être que c’est moins pire aux Etats-Unis, qu’ils sont devenus plus ouvert à un son moins commercial, mais je n’ai jamais eu le sentiment que mon univers musical avait sa place là-bas. Il y a des gens qui comprendraient, et ils y en a qui font des choses pas si éloignées, ce n’est pas si hors du commun ni anticommercial à ce point. Mais en arrivant à Paris, j’ai immédiatement ressenti qu’esthétiquement ça me correspondait.
La manière dont le ciel tombe, la gamme des couleurs, ce blanc un peu délavé, cela correspondait à la manière dont je me sentais. Ca marchait. Et c’est allé très vite, je suis arrivé en disant “voià, je suis chanteuse”, et j’ai tout de suite été entourée par un groupe de musiciens, et un label. Quand une porte s’ouvre, il faut la franchir. Et quand on essaie une porte qui refuse de s’ouvrir, il est sage d’en prendre note et d’essayer autre chose. C’est ce qui s’est passé.
Tu ne connaissais sans doute pas ces artistes, ceux du Village Vert, à commencer par Dominique Depret de Holden.
Il est sans doute la première personne dont j’ai fait la connaissance ici. Il est immédiatement devenu mon confident, et mon guide dans mon parcours musical. Mais j’avais entendu Autour de Lucie à la radio à Los Angeles, ils les mettaient vraiment en avant. Je savais que Valérie (Leulliot) avait écrit de très belles musiques, alors connaissant un peu sa musique je me sentais en sécurité. Je savais qu’ils (le Village vert) savaient où ils allaient. Qu’ils avaient bon goût.
Tu as enregistré ton disque, Honest, dans deux endroits, en France et à Los Angeles, plus un titre live enregistré à Bruxelles. De quelle manière as-tu travaillé pour que l’album sonne tout de même très uni?
Je suis contente que tu l’aie ressenti, parce que je n’ai pas la distance nécessaire pour savoir si on entend qu’il s’agit de la même histoire. Je sais seulement que c’est mon histoire. La partie à Paris a beaucoup été faite sous la direction de Dominique, les oreilles collées au sol. Et je trouve que Evan (Slamka), qui a réalisé la partie à Los Angeles, a un son complètement différent.
Ces univers sonores qu’ils ont créés sont très réels pour moi, c’est sans doute pour cela qu’ils se combinent aussi bien. Il y a quelque chose qui unifie ces deux univers sonores, je suppose que c’est ma simplicité qui reste perceptible dnas leur production. Le fil de mes émotions n’est pas perdu, même si leurs mondes sont un peu différents.
Tu parlais de l’importance de la guitare, et si on ne conserve que ta voix et la guitare les chansons tiennent.
Tu veux que je te passes les pistes studio? Le secret c’est de toujours garder des pistes séparées. Merci. C’est une bonne chose, je crois. Mais tout ce qui est autour, les voix, les paroles, est très important. Même si j’aime jouer, souvent à Los Angeles je joue de la guitare toute seule. C’est vraiment bon d’avoir beaucoup de silence, et beaucoup d’espace. Que rien d’autre ne se pase en même temps.
Je crois à ces deux univers. Et le prochain disque ira un peu, beaucoup même, dans la direction que tu décris.
Dans les deux disques les arrangements sont très discrets. Peut-être encore plus sur Honest. C’est aussi lié à la manière dont on entre dans le disque, Radar s’ouvre sur de la flute, de l’orugue, de la clarinette, tandis que le début de Honest donne plus une sensation de sobriété.
Il y a tout de même énormément de production, sur les deux, mais seulement c’est fait intelligemment. Ces garçons sont vraiment intelligents. Ils ne font rien qui me soit étranger, il n’en font jamais trop. L’un comme l’autre, Evan et Dominique, ont toujours fait en sorte que ma sensibilité soit préservée.
Sur les deux disques, la batterie n’utilise quasiment pas les toms (caisses), presque exclusivement les cimbales et les métaux.
C’est avec le batteur que tu devrais en parler. Philippe Sirop, qui joue sur Honest, est un des musiciens que j’aime le plus au monde. Il ne joue pas seulement des percurssions, il joue aussi du melodica, et en concert de mandoline, du glockenspiel. C’est mon genre de musicien. Techniquement il est extraordinaire, mais tout en jouant avec le coeur. C’est probablement pour cela que ce qu’il joue correspond à ce qu’il entend de moi. Il suit cette direction, et j’adore ce qu’il joue.
Ils te donnent les éléments principaux de l’histoire. C’est pareil pour mes livres préférés. Je viens de lire “La route” de Cormac McCarthy, tu l’as lu? C’est entièrement mon univers. Il n’y a pas un seul mot de trop, qui nous dise ce qu’on doit ressentir. Mais en même temps il te donne des images, il raconte véritablement une histoire.
Vraiment? (rire) Je ne sais pas. Je ne réfléchis pas tellement aux chansons. Je ne sais pas comment les analyser. Elles ne m’intéressent pas à ce point. C’est mon monde, de bien des façons. Mais je ne peux pas vivre trop à l’intérieur de ce monde. Je ne peux pas m’identifier comme une personne entière en n’étant que la fille de ces chansons. Il y a toute une vie en dehors.
Dans tout ça il y a le même fil conducteur. C’est toujours, disons, enfantin. Non, pas enfantin, mais cassé en un sens. Dans la mesure où rien de ce que tu mentionnes n’est fait de manière parfaite. Je ne suis pas formée à être coiffeuse, j’aime le faire, et je peux faire des coupes “intéressantes”.
Mais je ne dirais pas que je pourrais être embauchée à Vidal Sassoon ou rien de ce genre (rires). Mais je peux faire de sacrément bonnes coupes. J’ai coupé les cheveux de ma grand-mère durant des années, à vrai dire je prenais l’avion toutes les 6 semaines depuis Los Angeles pour lui couper les cheveux.
Je me suis un peu fait la main sur elle, au début elle a eu quelques coupes bien ratées. (rires) Mais on s’en est sorties. C’est la même chose pour le stylisme, il y a un fil rouge. Quel est le dicton déjà? Quand on fait beaucoup de choses mais aucune vraiment bien? (rire)
Ce n’est pas que je fais les choses mal, mais plutôt en réaction contre l’idée de perfection. Ca ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse est de rester honnête. Et pour moi honnète c’est avoir des défauts, être un véritable être humain.
Avoir des failles, est-ce aussi ce qui t’a intéressé chez Marilyn Monroe?
Oui. Elle portait sa vulnérabilité sur elle, je crois que c’est ce qui la rendait si belle, à quel point elle était vulnérable. Elle ne le cachait absolument pas. Du moins dans les films que j’ai vus, je n’ai pas vu ceux où elle était transformée en poupée.
Je l’ai plus vue dans ses endroits les plus crus, les plus vulnérables. Oui je pense que c’est l’exemple parfait.
Alors l’enjeu est d’accepter sa vulnérabilité, et d’en faire quelque chose.
Oui, tout simplement admettre qu’on ne sait pas quelque chose, admettre qu’on a besoin d’avoir ses amis auprès de soi. Tout ça, c’est difficile de parvenir là, non pas d’être excessivement vulnérable, mais le plus vrai possible.
Dans beaucoup de sociétés, les temps modernes sont comme ça, tout doit être tellement ensoleillé, parfait, tout neuf.
Artificiel.
Complètement artificiel. Mon ordinateur, je l’adore : il envoie des emails. C’est tout ce dont j’ai besoin, cela me permet d’être en contact avec mes amis. Je n’avais pas besoin d’un ordinateur pour autre chose, maintenant c’est un dinosaure, parce que maintenant si on ne change pas tous les 6 mois on est dépassé.
Je n’ai même pas de téléphone portable. Je refuse d’avoir un portable, car ça ne correspond absolument pas à la manière dont je veux vivre ma vie. Je veux être présente, ici, je veux marcher dans la rue et être disponible pour les arbres, pour les gens qui se promènent.
Et c’est de plus en plus difficile, car lorsque je marche dans la rue et que j’ai envie de sourire aux gens, ou de dire à quelqu’un que je le trouve beau, ou que j’aime ses chaussures ou ce que tu veux, ils sont de plus en plus déconnectés.
Car tout le monde a soit un casque sur les oreilles, soit est en train d’envoyer un texto, et ils ne te voient même pas. Du coup je commence à me sentir comme un fantôme. Mais je veux maintenir cette exigence pour moi, je ne veux pas me perdre dans ce mode de vie.
A Los Angeles, le contraste doit être particulièrement extrème.
Je crois être la seule personne au monde que je connaisse qui n’a pas de téléphone portable. Les enfants en ont. Tout le monde dans ma vie en a un. Qu’ils soient un enfant ou un papi qui ne sait pas comment utiliser la technologie, ils en ont quand même.
Peut-être que c’est pour une question de sécurité, un truc de ce genre, parfois je me dis si jamais j’ai un problème, on sait jamais, mais en réalité -heureusement- je n’ai jamais été dans cette situation, je n’en ai jamais eu vraiment besoin.
Revenons au chant. Ce qui frappe dans ton chant c’est qu’il est très proche de la voix parlée, or tu es aussi actrice. Est-ce que c’est lié?
Je ne penses pas. Une fois encore jouer de la musique, de la manière dont jouer de la musique m’intéresse, sincère, est un peu l’opposé de jouer la comédie. Quand on est actrice, on essaie de dire la vérité de l’histoire de quelqu’un d’autre. Donc par essence on doit “jouer”, même si ça devient naturel avec de bons acteurs.
Dans la musique, pour moi, dans la manière dont je veux jouer de la musique, il s’agit d’être soi-même de manière la plus pure possible. C’est peut-être pour cela que cela implique si peu de “chant”, si on peut dire. Il s’agit plus de raconter une histoire, avec la musique, et il y a vaguement un petit peu de mélodie là-dedans. (rire)
Un peu plus que “vaguement”. (rires) Mais dans la reprise Long long long, tu chantes un peu comme si tu étais à bout de souffle.
Cette chanson était vraiment difficile à chanter pour moi, voilà ce qui s’est passé. C’est Evan qui a produit cette chanson -magnifiquement, car il joue du moindre instrument sur ce morceau- si ça n’avait tenu qu’à moi il l’aurait aussi chanté lui-même car il a une très belle voix.
Nous étions dans mon appartement, et à un moment il a commencé à jouer cette chanson, à la chanter. J’ai eu un excès de confiance et j’ai dit j’aime cette chanson, je veux la mettre sur le disque.
Sans vraiment vérifier si elle correspondait à ma voix, à mon style, il a commencé à construire tout cet univers extraordinaire autour ce cette chanson, avant qu’il y aie ma voix encore. Et quand le moment est venu que je la chante, je l’ai trouvée complètement différente de mon style, ces paroles toutes simples et ces rimes enfantines que je fais.
C’était un gros défi. Ce que tu entends comme “à bout de souffle”, c’est moi essayant de ne pas sombrer, essayant de rendre justice à George Harrison, ce qui est tellement difficile. Et puis prendre ses mots et me les approprier. Les paroles sont tellement belles, on dirait qu’elles parlent d’un amoureux, mais elles parlent aussi de Dieu, de la relation à Dieu.
C’est vraiment une belle chanson.
Sur pas mal de morceaux tu ajoutes de la réverb’ et de l’écho sur ta voix.
C’est un choix, d’abord quand on fait un deuxième disque c’est un enjeu de ne pas sonner comme le premier. Et je voulais depuis toujours travailler avec Evan, qui a produit beaucoup des titres où il y a des effets sur ma voix. Avant de venir à Paris et qu’on fasse Radar, il était déjà quelqu’un que j’adorais, avec qui je rêvais de travailler.
Et ces effets, c’est un peu sa marque de fabrique dans sa manière de travailler avec moi, c’est très onirique. J’ai trouvé que c’était un merveileux… nuage… dans lequel raconter mon histoire. Tous les deux, nous avions envie de raconter une histoire sonore, à la manière dont la réverb permet de le faire, tout en conservant beaucop de proximité.
Du coup c’est à la fois tellement proche, et tellement loin, ce qui est un peu l’histoire de ma vie.
On a parfois l’impression que tu murmures à notre oreille.
Je suis contente que les chansons aient conservé cette dimension, malgré tout ce que nous avons construit autour avec le travail de production. On voulait maintenir cela.
Merci beaucoup Kelly.
On a fini? Merci.