Gil Scott-Heron, un fantôme qui chante le futur
Curieux mais logique, c’est le rocker Neil Young qui nous souffle ce que tout le monde pense de Gil Scott-Heron depuis 20 ans : the needle and the damage done*.
Avoir fait danser le monde entier, à la limite du disco, avec the bottle qui nous mettait en garde, et sombrer peu après dans la dope… En voilà un qui a le sens de l’ironie, non?
De l’ironie, il nous en a fait manger, Gil Scott-Heron. Avant de devenir l’un des plus grands de la soul music avec Pieces of a man et Winter in America, Scott-Heron était avant tout un auteur et un diseur. Auteur d’un roman que Chester Himes n’aurait pas renié, The vulture. Auteur de textes acides et politiques qu’il déclamait sur scène. Un as du “spoken word”, ancêtre du slam. Ses diatribes contre Nixon ont fait grincer quelques machoires. Avec une voix aussi suave et sexy, on buvait ses paroles avec d’autant plus d’attention.
Voilà donc le grand homme, adulé de toute une génération à la fois imprégnée de groove et politiquement “consciente”. Depuis les 60S, la “conscience” politique était maître mot. Et pour les mots, on pouvait faire confiance à Gil Scott-Heron. En compagnie d’un musicien remarquable, Brian Jackson, ils étaient des artistes accomplis et une véritable inspiration. The revolution will not be televised, n’a pas fini de résonner à nos oreilles et de nous faire brandir le poing.
Il était dans son époque, il avait le groove, une classe relevée par du panache. Après la coke et la zonzon, il a quoi à nous donner en 2010, 40 ans après ses premiers exploits, le vieux Gil?
I’m new here, qui sort le 9 février, est un disque dur, fort et surprenant. Ceux qui se remettront du choc de cette voix vieillie et ébréchée, ne se relèveront pas aussi facilement du contenu. Un contenu d’une cohérence impressionnante, alors qu’il assemble des matériaux de tous âges. Vous pouvez télécharger un titre gratuitement là.
Tandis qu’un Roy Ayers court derrière la modernité en se fourvoyant dans des soupes nu-soul sans intérêt, GSH nous colle une mandale qui doit faire Massive attack se sentir touts petits dans leur froc. On ressent la même surprise, le même frisson glacé dans le dos qui nous avait secoué l’échine à la sortie d’Outside de Bowie. On n’en attendait plus rien, et il revient avec une forme surprenante et tellement moderne qu’on se demande d’où elle peut bien sortir.
Scott-Heron a tourné le dos à la soul, comme s’il prenait acte que ce fut la musique d’une époque, et que pour porter son message il doit retrouver une musique ancrée dans son temps. On ne croyait pas qu’il pourrait faire un tel saut. Un saut dans le temps, comme un super-héros, à la fois dans le passé du blues, et dans le futur., grâce à la production fabuleuse de Russell (le boss de XL records). Mais la trame de cet album suit le fil d’une oeuvre sans ruptures. GSH est toujours celui qui chantait Home is where the hatred is** (”chez moi, c’est là qu’il y a la haine”), et I’m new here utilise des extraits de textes anciens, pour raconter une histoire. Une histoire qui rappelle celle de Accross 110th street. Ce portrait-confession, baigné d’une musique plus évocatrice (et plus dure) que jamais, donne l’impression de voir un film lorsqu’on clos les yeux, un film qui serait tiré du Saule de Selby.
Ce mélange étrange, il est aussi bien de l’abstract hiphop à la DJ Krush, que du blues du futur (New York is kiling me). Revenant à ses fondamentaux, le vieux Gil ne chante plus, il scande, voilà le papi du spoken word qui met la patée à n’importe quel rappeur (sans même parler des nains ridicules maladifs). La touffeur de certains Wu-tang-clan, la dureté politique de Public enemy, et toujours cette voix malgré tout, éraflée, cabossée mais toujours bien là. Ca vole tellement haut que GSH peut même se permettre, pour une fois de chanter des reprises (I’ll take care of you, Me and the devil de Robert Johnson…), tout en livrant un disque incroyablement personnel et uni.
Plus on écoute I’m new here et plus on flippe. Plus on a la sensation d’être sur ce désolant champ de bataille qui ouvre Terminator 3, et l’invité du futur n’est pas revenu nous annoncer de bonnes nouvelles.
Plus on écoute I’m new here et plus on veut l’écouter, en saisir les subtilités et les paroles.
Plus on l’écoute, et plus on mesure qu’on tient, déjà, l’un des disques de 2010, et qu’il faudra sacrément grimper pour venir le détrôner. Gil Scott-Heron vient de sortir son nouveau chef-d’oeuvre.
* : la piquouze et ses dégats
** : la version deluxe de l’album contiendra de nouvelles versions de ce titre et pas mal de bonus
M’avait bien semblé, à l’écoute de “Me & the Devil”, que c’était du costaud.
Hâte, hâte, hâte d’écouter ça !
Et peut-être avec un peu de chance de le voir sur scène… s’il arrive à passer les contrôles.
oui, quand ce ne sont pas des Africains à qui la France refuse un visa pour jouer dans un festival, ce sont les usa qui bloquent GSH… (ou qui refusent au chanteur de Fancy un visa, parce qu’il a un nom pas très catholique)
le live, avenir de la musique, oui mais à condition d’avoir le droit de voyager!
Quelle voix! Effectivement, j’en attendais pas grand chose du vieux Gil, mais là, ça attise la curiosité o_O
Un très gros coup de coeur pour ce chanteur (que je ne connaissais que de nom) et cet album magnifique, voilà. C’est une des rares voix vraiment émouvante entendue depuis le début de cette année.
oui, on sent à ton article que ça t’a fait un truc,
et je peux en dire autant :-)
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.
J’ai pris ma claque.
yep, je sens venir la vague qui va mettre tout le monde d’accord pour un bon bout de temps ^^
Toi aussi tu la sens cette grosse vague qui monte ?
oui tata suzanne
ma troisième écoute presque d’affilée commence, cet album est d’une puissance ! mazezette !
Perso j’ai trouvé ça assez moyen… (c’est bon je déconne, ça va^^)
gil scott herron c’est un poete un miltant, un philosophe, un musicien, un chanteur et un ecrivain.je vous conseille a tous de lire son roman le vautour qui esu une merveille.
pas aussi puissant que chester himes ou hubert selby, mais je suis d’accord Julien c’est un livre à lire :-)