Freschard, Boom biddy boom
Faire carrière en jouant à cache-cache, défi original et brillamment relevé par certain-e-s. Compagne de route d’André Herman-Düne/Stanley Brinks, avec qui elle a enregistré et joué souvent, Clémence Freschard partage une même approche de la composition et de (l’absence de) carrière.
Freschard entonne ses chansons avec l’air de ne pas y toucher, comme d’autres griffonneraient tout en téléphonant. Son chant languide et cet accent français à couper au couteau laissent une trompeuse impression de dilettantisme. Peut-être est-ce plutôt une forme moderne de dandysme. Les arrangements sont simples mais ils sont pensés et toujours justes. La métrique impeccable, l’art de passer d’un rythme à l’autre, là encore les points communs avec AHD en font son double féminin.
Nous ne sommes pas habitués à autant de finesse. Le dernier album, boom biddy boom, en déborde. La voix, les cuivres, la washboard, y respirent, on est loin des productions qui saturent l’espace et accumulent les détails. Cette musique là peut être jouée partout, au pied levé, pour peu que la clarinette et le saxophone soient là pour danser autour de la voix de jeune fille de Clémence.
Difficile de préférer un disque à un autre. On peut choisir de revenir sans cesse au violon de A little bird told me so, on peut préférer l’union de sa voix avec celle d’André, ou se caresser l’âme aux solos de guitare de I miss you… I must be looney avait les deux pieds dans le rock indé, Pour que tu m’aimes un peu met du flamenco dans sa calypso, le choix ne manque pas et tant qu’à faire, autant tout prendre. Pourquoi pas en commençant par ce nouvel album, puis en se frottant à son versant rock qui prend le dessus sur Moonstone.
I miss you
Les chantres de la légèreté passent parfois pour manquer de profondeur. Pensez plutôt à Melina Merkouri dans Jamais le dimanche, à ce choix de voir la vie sous un rayon de soleil tout en sachant qu’elle n’est pas toujours ainsi. La vraie naïveté appartient aux enfants, il faut bien des efforts aux adultes pour parvenir à la cultiver, malgré tout. On ne remerciera jamais trop Clémence Freschard d’y parvenir.
Des images de cinéma, d’actrices chéries, papillonnent à mesure que les titres se suivent. Ce naturel, cette grâce charmante sans jouer la partition de la séduction, on repense aux chansons de Jeanne Moreau, aux noir et blanc avec Anna Karina.
Freschard n’a pas d’âge, d’ailleurs on a beau chercher elle seule saurait dire de quand date son premier disque, la plupart étaient gravés dans sa chambre et distribués au comptoir, comme on fait dans sa bande. L’idée de laisser une trace est si étrangère à certains musiciens qu’on se demande s’il ne faudrait pas revoir un peu notre définition d’un artiste.
Cette musique en liberté est un cadeau à partager, avec douceur, humour et chaleur.