Foxygen : quelque part au sommet du 21e siècle
Le fameux cap. Celui de la croissance, que dis-je, de la crise de croissance… Ce cap, comme un examen de passage implicite dans l’histoire du rock et de la pop, a été défini par des générations de critiques musicaux. Le fameux “cap du 2e album”. Celui qui voit l’artiste tomber dans la redite ou confirmer les espoirs placés en lui…
Oui, mais.
Oui, on a vu des dizaines, des centaines de “deuxième album” poussifs qui faisaient surtout espérer que le troisième paraisse au plus vite (ou ne voie jamais le jour, c’est selon).
Mais. Car il faut compter avec ces artistes qui sortent peu à peu de l’obscurité, au même rythme qu’ils améliorent leur art. Foxygen est de ceux-là. Contrairement à ce second album déjà largement annoncé sur les blogs et les réseaux (y compris par nos soins), le premier est d’abord né dans les caves d’internet. En autoproduction. A l’aventure, quoi.
Quand c’est un label aussi apprécié et sélectif que Jagjaguwar qui vous repère, on fait rarement les malins. On vient rejoindre Okkervil river, Julie Doiron, Sharon Von Etten, et même depuis peu… Dinosaur jr.
Du coup, pour faire les choses bien, il se trouve que le premier album devient aussi disponible par ce biais, en même temps qu’on découvre le nouveau. Belle leçon de persévérance, en l’occurrence, le propos s’est un peu resserré, l’écriture s’est affinée. Et les morceaux ne sont que plus beaux, là où ceux de Take the kids off broadway étaient encore un peu brouillons.
Ah, c’est cruel de présenter un groupe par la liste de ses prestigieux voisins de label. Mais c’est leur faute, inutile de protester. Admirez ce titre à rallonge, impossible à retenir : We Are The 21st Century Ambassadors of Peace and Magic. Quelle ironie.
Quel métier déjà pour fournir aux critiques des commentaires enthousiastes et déçus. Soit le titre est un ironique mensonge, soit il fait sien le constat que l’époque revit les styles du passé plutôt que d’en inventer. On s’est déjà étendu sur ce sujet.
Reste quoi? Reste un splendide duo de songwriters trop doués pour être vrais. Et qui ont puisé dans les disques de papa-maman.
Les Kinks sont là un peu partout, dans les mélodies et le chant, en particulier sur un San Francisco qui aurait vu pousser des villages verts à tous les coins de rue. Le refrain pourrait avoir été écrit par McCartney himself. Sans doute aurait-il aimé le faire et admire-t-il, un peu jaloux, que la relève soit aussi relevée (Lennon, lui, n’est plus là pour revendiquer sa part fantôme de Oh no 2).
Mais le velvet pointe son nez sur certains motifs (No destruction, Bowling trophies). Ah. Pas seul, puisque le Bowie des années 72-76 est dans le coin aussi (On blue mountain, le refrain de Shuggie), avec une pointe de Jagger par-dessus le marché (Oh yeah, et son refrain période Black and blue, avec un clin d’oeil à 59th street pour faire le compte). Y’a du monde dans les placards, par ici. Chez Foxygen, quand on baisse son falsard il faut s’attendre à ressentir la vague impression de débuter une énorme partouze.
S’il faut ressortir les pépites musicales de la guerre froide pour réussir d’aussi beaux morceaux et prôner la paix, alors ils ont notre bénédiction. Il n’y pas plus de références dans ces 9 chansons parfaites, que dans 99% des disques de rap, ou chez les hommages de Mozart à Haydn. Alors que ceux que l’histoire de la musique barbe se rassurent : visiblement Foxygen n’en fait pas un boulet mais une source d’inspiration. Au sens propre, car d’inspiration ils débordent. Et puis soyons justes, les touches garage ne sont pas toujours si retro que ça, sur le morceau-titre on pourrait aussi bien penser à Jon Spencer.
Un peu comme Yellow ostrich à la même époque de 2012, on a déjà trouvé un disque qui nous accompagnera toute l’année et qu’on emmènera jusqu’au palmarès final. Un disque si dense qu’on n’a pas trouvé quoi que ce soit à retirer. Rien de trop, juste une jolie pile de pépites, en haut de laquelle on mettra No destruction, On blue mountain, San Francisco, et Shuggie. La moitié du disque…
Que dire de plus après avoir avoué qu’on ne saurait se passer d’une bonne moitié du disque?
Ah, si… Dépêchez-vous ! ;-)
En concert au Point éphémère le 2 février (Paris), le 5 février au Botanique (Bruxelles)
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