F, comme “field recording”
On est bien au chaud, on pose sur la table basse un verre copieusement rempli. La famille vient de partir en promenade, on en profite pour allumer la chaine audiophile qui nous a coûté une fortune.
A peine est-on assis dans le canapé que résonne un martèlement inquiétant. Sur fond d’un chant de travail.
Ce martèlement, c’est le choc des pioches et des masses sur les cailloux de la route. Le travail en question, c’est une peine, et la voix est celle des prisonniers d’un pénitencier du sud des Etats-Unis. La version hardcore de “il tape sur des cailloux et ça lui va bien”. Jugez plutôt :
O Rosie
Quand j’entends “field recording”, c’est d’abord ce son terrifiant qui me saisit. L’un des enregistrements les plus durs de la collection Lomax. John Lomax qui sillonna le pays micro en main, avec son fils, pour le compte de la Bibliothèque du Congrès. Ramenant au passage Leadbelly. Et saisissant sur le vif quantité de chants locaux ou traditionnels, in situ.
Aller enregistrer “sur le terrain”, c’est juste cela qu’on appelle field recording.
Les Lomax avaient un côté moins sympathique que leur légende ne le laisse penser. Un autre pionnier de l’ethnomusicologie, Charles Seeger, n’était autre que le père du chanteur Pete.
Mais le principe du field recording n’a rien d’héroïque au départ. Enregistrer in situ, c’est la base du documentaire radiophonique. Capter le bruit d’un moteur pour parler des transports routiers, enregistrer une chasse d’eau pour illustrer un sujet sur les déchets domestiques, c’est moins romanesque que le pénitencier de Parchman mais c’est tout autant du field recording.
Si votre mère vous surprend à utiliser la fonction dictaphone de votre ip*one sur les gogues, vous pourrez toujours prétendre, “mais Maman, j’étais sur les traces d’Alan Lomax!” Ca y est, votre carrière d’ethno-musicologue est brillamment lancée.
Et puis cessez de n’avoir que ce nom à la bouche, c’est lassant à la fin. Par définition, le sujet est vaste comme le monde, et quantité de personnes ont rapporté des enregistrements d’ici ou d’ailleurs. Un site belge vous donnera une excellente introduction. Et n’oublions pas qu’une des plus grandes collections du genre est française. Ocora, que publie Radio France, est l’un des plus formidables recueil des témoignages de toutes les civilisations.
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J’ai acheté le volume 1 pour la Bibliothèque. Formidable.
Le 2 devrait bientôt partir en commande.
Si votre mère vous surprend à utiliser la fonction dictaphone de votre ip*one sur les gogues, vous pourrez toujours prétendre, “mais Maman, j’étais sur les traces d’Alan Lomax!” Ca y est, votre carrière d’ethno-musicologue est brillamment lancée.
–> Je crois que j’en ai pour mon après-midi à m’en remettre ^^
uh uh ^^
je dois dire que je ne connais que ces 2 là, il me reste tout le reste à découvrir (il y faudra quelques vies)
oui enfin ce n’est quand même pas la même chose que d’enregistrer des sons d’ambiance et de rapporter des musiques ou des chants qui se rapportent à une situation ou un peuple particulier-e (on va dire musique “traditionnelle” au sens le plus large possible)
la démarche n’est pas la même à la base je veux dire (ça se dit beaucoup field recording ?)
j’attendais ton intervention pour avouer que j’ai tiré vers la mauvaise foi ^^
on est bien d’accord que le field recording c’est aller dans une culture enregistrer ses chants, ses traditions, parfois juste laisser parler les gens…
:-)
sur le même site, un bon texte sur Alan Lomax: http://www.lamediatheque.be/dec/portraits/lomax/index.php
yep, merci Sunalee :-)