Demdike stare : Triptych, 3 LP et beaucoup de nuages
J’entame ici le récit d’un abandon.
Le récit d’un disque qui m’a échappé.
Notre trio fut soudé, depuis la cour d’école, inventif, depuis la comparaison des notes produites par les cailloux lancés en ricochet.
Fiers et sans malice, pas une fois ne nous vint l’idée de démarcher une maison de disques. Explorateurs nés, prêts à brandir l’effigie du commandant Charcot, nous entendions traiter le désert austral de nos musiques en valeureux chercheurs. La réponse du laboratoire universitaire ne se fit pas attendre, sous la forme d’un épais dossier de candidature.
Exposer le projet n’était que la partie aisée. Plus ardue fut la recension de nos titres universitaires, lorsqu’il fallut inscrire nos prix de conservatoire et certificats de conduite d’orchestre en lieu et place des licences et masters attendus. La rubrique des publications académiques nous laissa suspendus au-dessus d’un abîme de réflexion. Mais sans perdre espoir nous expliquâmes savamment que « less is more », que racine carrée de LaMonte Young et intégrale de Steve Reich, donc que les drones sont des asymptotes. Les amis qui relirent le document pour le débarrasser des coquilles ne se sont pas encore remis de leur fou-rire. Un léger doute s’installa.
Dans une vaine amorce de compréhension, le laboratoire convoité nous adressa un formulaire improvisé à la va-vite, afin de comprendre à quel genre musical nous nous rattachions, on put même lire Brian Eno évoqué dans la bafouille qui l’accompagnait. Ne pouvant jeter l’éponge sans tenter un baroud d’honneur, nous répondîmes armés de témoignages. La maigre enveloppe fournie pour la réponse gonfla bientôt en un replet carton débordant d’interviews de nos maîtres, de récits polaires de Charcot, de catalogues de Warp, d’extraits de pièces de Schaeffer, et encore autant de colifichets musicaux destiné à établir le dialogue. Dans un ultime effort de pédagogie, je me mis en quête d’un épisode précis d’Ulysse 31. Je commentai avec la dernière conviction à quel point cet anneau sans fin, suspendu dans l’espace, où Ulysse, Thémis et leurs compagnons marchent à l’infini, exprimait nos futures oeuvres. Une ellipse hors du temps, sans cesse recommencée mais chaque instant imaginée différente et réinventée.
Une perle de sueur gela à mi-course sur la tempe de mes camarades.
La longue attente du jury nous figea en chiens de faïence. Dans nos esprits défilaient des oeuvres de Buren, des bleus Klein immaculés, et toutes ces preuves flagrantes que l’art du rien est un art plein. Mais rien n’y fit, aucune université de Manchester, aucun laboratoire scientifique ne voulurent de nous. Découragé par les tracasseries, entamé dans mes certitudes sur la voie à suivre, je laissai la clef sur la table, bien en évidence. La chambre vide devint vite un studio et l’entrepôt improvisé destiné à empiler le Tryptich enfin réalisé.
J’abandonnai mes espoirs entre les mains de Sean Canty and Miles Whittaker. Ainsi naquit Demdike stare. Ayant trouvé refuge chez Modern love, façonneur de disques vinyles, Sean et Miles donnèrent finalement forme à nos fantasmes cinétiques. Un groupe pour qui jouer du tambour consiste à mettre en marche le lave-linge et libérer un ronronnement continu.
Symbiosis n’était qu’un brouillon, l’exposé d’une hypothèse. Après trois disques publiés en vinyl, le tableau prend forme. La démonstration en trois temps, la fameuse : Forest of evil, Liberation through earing, Voices of dust, tous en 2010. Une lente ascension vers l’acmé, dont Triptych est un peu la version publiée de la thèse, plus fluide, augmentée de quelques bonus.
Réunis en 2011 dans un luxueux coffret, les trois couleurs primaires (noir, noir, et noir) forment un mélange chatoyant. Ce sont bien des disques, après tout, pas des chefs d’oeuvre d’équations. Juste des disques, oui, mais pas n’importe lesquels.
Hashshashin Chant by modernlove
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J’ai commencé à downloader. Je reviens dans trois semaines te dire ce que j’en pense! Tu n’as pas peur de donner du boulot à tes lecteurs!
;-D
en effet ^^
déjà à la base ce sont 3 LP,
et là il y a une grosse demi-heure de bonus dans ce coffret
Pourquoi downloader ? il faut acheter !!!
Thank you for nice information
thanks