Arte live web, One shot not : les concerts dans ton salon
Souvenez-vous, les débuts d’internet. Débrancher le téléphone pour brancher le modem, se faire engueuler par les parents ou les colocataires dont on vient de couper abruptement la conversation sans prévenir. Avoir l’oeil rivé sur le décompte des minutes passées en ligne (forfait 30 minutes, forfait 3 heures pour les richards), et l’oreille aux aguets capables de reconnaître aux variations des bruits du modem quand il arriverait à trouver la « porteuse ».
En ce temps que les moins de 25 ans n’ont pas conscience d’avoir vécu (de toute façon il ne se passait pas encore grand chose pour eux sur la toile), les débits étaient mesurés, petit modem 14000 « bauds », modems « 28 k » puis, la grande classe, « 56 k ». Le temps d’affichage d’une page donnait l’impression qu’un type s’activait avec stylos et pinceaux pour écrire en temps réel ce qui s’affichait, et encore le gars qui n’écrit pas très rapidement.
C’est en songeant à ces temps antiques (pensez donc, les années 90, le vingtième siècle !) qu’on réalise la chance et la prouesse que représentent Arte live web ou Grandcrew.
Avec Grandcrew, on peut accéder à une quantité immense de concerts filmés un peu partout, dans toutes sortes de salles et pour tous types de musiques. Il suffit d’attendre un peu, pas forcément longtemps, que les enregistrements soient montés et mis en ligne. Le projet d’une poignée de passionnés devenu un incontournable de la musique en ligne. Une partie est gratuite, les prix des autres sont raisonnables.
Avec Arte live web, c’est une nouvelle barrière qui tombe, celle du direct. Grâce au haut débit, vous êtes confortablement installés dans votre canapé, et vous profitez du son de votre chaîne hi-fi. Vous êtes à la Scala de Milan, vous êtes à la Cigale, vous voyez le concert en direct (ou vous l’écoutez en dînant) et vous pouvez évidemment profiter de l’ambiance tout en réglant le volume comme il vous convient. C’est de la télé, direz-vous. Effectivement, mais en direct et à une heure où les chaînes télé sont envahies par d’apprentis losers rivalisant de ridicule.
L’avantage d’internet est de pouvoir filmer sans limite de durée, et de pouvoir accéder au concert durant quelques semaines après le direct. Arte filme beaucoup de concerts dans des salles de spectacle, avec une belle sélection de concerts classiques. Mais on revient à la télé avec l’émission One shot not, diffusée tous les dimanche. Les émissions sont enregistrées en studio, en public, des duos d’un jour se font et se défont, on commence un morceau, on s’interrompt, on le reprend… L’émission montée sera diffusée plusieurs semaines plus tard.
Arte live web vous amène directement dans le studio, pour assister en direct à l’enregistrement. Avec ses temps morts (très courts comparés à ceux de la plupart des concerts), avec ses beaux moments aussi, pris sur le vif et pas encore lissés par le montage. Grâce au web, les émission et concerts d’Arte sont vus dans le monde entier, alors que la télé touche peu de spectateurs hors de France et d’Allemagne.
La qualité dépend de celle de votre connexion, les abonnés par fibre optique ou par câble (débit avoisinant les 100 Mo) peuvent profiter pleinement de ce service sans en perdre une miette. Pour d’autres, il peut arriver de petites coupures ou des tressautements. Dans ce cas, passez de la HD à la SD (standard version), un peu moins gourmande. L’image sera moins bonne mais le son est le même (192k).
Les Kills arrivent sobrement, prêts à nous donner la primeur d’un single rendu public un mois plus tard (on est encore qu’en février). Un seul titre, assez bon pour éveiller l’appétit, juste assez peu pour se dire que les stars, tout de même, hein… Une mise en bouche. Le duo a regagné sa loge où Kate Moss les attend pour aller dîner, tandis qu’en régie on a le doigt suspendu : “on débute la diffusion web à 21h, ça peut tomber sur un moment de vide, ou au milieu d’un morceau, ensuite on arrête quand on le décide, en gros quand le dernier morceau est terminé et que Manu Katché a dit au revoir”.
20 heure 59 et quarante secondes, on savoure le confort du car régie. 58 secondes, 59… Fabien, responsable du pôle web d’Arte, nous fait apprécier l’image et le son que des milliers d’internautes (rarement moins de 500′000) partagent au même moment. La petite dizaine de secondes de différé suffit à l’encodage et la constitution d’une mémoire tampon. Tout le monde bosse avec la banane, savourant le luxe de travailler sur une émission de qualité réalisée dans les meilleurs conditions. Mine de rien, sur le plateau comme en coulisse cela se sent et le résultat suit.
Et les bonus, là-dedans ? Et les rediffs en différé ? Y’en a, dirait maître Folace.
Restons avec One shot not. L’imposant car régie s’est installé près des studios, a déployé ses câbles gros comme mon bras, et une armée s’affaire tranquillement. Le réalisateur est totalement absorbé, il félicite les beaux plans, son bras droit annonce les enchaînement (”dans 10 secondes on termine sur les mains au piano, ensuite on reprend sur la contrebasse”), et sélectionne parmi ses 8 caméras l’image diffusée en direct. Les 7 autres fourniront la matière à un monteur pour un résultat, diffusé plusieurs semaines plus tard, dans une version sensiblement différente mais pas nécessairement plus belle.
Devant leur écran, les internautes découvrent Marianne Faithfull s’interrompre, expliquant avec son habituelle gentillesse qu’elle et son groupe jouent le morceau pour la première fois en public. Elle demande avec un clin d’oeil à la pianiste de la surveiller, puis reprend. Trois versions dont on ne gardera que la meilleure pour la diffusion télé, mais qu’on pourra voir sans coupe durant toute la semaine suivant l’enregistrement. Arte négocie de pouvoir diffuser en web plusieurs semaines, même lorsqu’on regarde en différé il faut suivre un peu l’actualité, ou se fier à ce que propose le site.
Sur le plateau, le public est parfois à un mètre à peine de ses artistes préférés, et bénéficie rien moins que du meilleur son de concert de Paris. Les internautes, au même moment, dansent avec eux sur les nouveaux morceaux de Metronomy, en avance d’un tube de l’été.
photos : Benjamin Decoin / Visual Press Agency
Merci à Alexandre pour l’invitation et à Clémence pour nous avoir aimablement chaperonné
Merci pour le tuyau qui m’a l’air précieux, et pour le petit passage nostalgique… Snif, je me souviens même d’un spot électoral qui commençait par un bruit de modem en train de se connecter !
ah ah, l’horrible bruit de la porteuse ^^
les plus jeunes spectaterus de “groland.con” ne comprennent sans doute rien à ce bruit étrange ;-)