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Adorno, musicologue bougon (1/2)

par arbobo | imprimer | 22juil 2006

Fini de m’énerver contre ma lecture, j’ai terminé Le caractère fétiche dans la musique, de Theodor Adorno. Ce petit livre est paru en 2003 dans l’excellente collection de poche des éditions Allia. On trouve un peu de tout dans cette collection joliment designée, notamment un autre texte d’un philosophe qui complète parfaitement celui-ci : L’oeuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique, de Walter Benjamin.Le texte de Benjamin date de 1936 et traite principalement des arts, comme la photographie, qui sont exactement reproductible au point que la notion d’original perd son sens. Mais Benjamin se penche sur les effets de l’industrialisation dans l’art en général.

Or l’industrialisation, c’est la fin de la musique, nous dit Adorno. Mais il le dit plus intelligemment. Et il le dit aussi de manière un peu compliquée à mon goût, on doit parfois s’accrocher. Mais tout finit par s’éclairer. Son texte a été écrit en 1938, alors qu’il venait de quitter l’Allemagne nazie pour s’intaller aux Etats-Unis, puis a été repris et modifié.

Adorno fustige la « nouvelle écoute » (à cette différence près qu’il ne serait doute pas content que j’en fasse une expression toute faite entre guillemets). Adorno ne fut pas seulement philosophe, il était aussi musicologue et mélomane. Un mélomane exigeant dont le texte peut paraître réactionnaire à bien des égards.

Adorno commence par rappeler la théorie de Marx sur la marchandise. Marx décrit comment dans le système capitaliste la valeur d’échange, celle du marché, a supplanté la valeur d’usage. Pire encore, la valeur d’échange est devenue « fétiche ». Le fait qu’un bien ait de la valeur sur le marché suffit à lui donner de la valeur à nos yeux. Cet effet monstrueux est la preuve d’une dégradation du sens de la valeur. Le système dévore nos goûts et impose les siens, faits de stéréotypes et de standardisation. Du coup on ne juge plus la musique en fonction de ses qualités musicales. C’est tout le problème, aux yeux d’Adorno, et il n’a pas de mots assez violents pour critiquer ce mouvement.

Adorno décrit une industrie musicale qui est… la nôtre aujourd’hui. Presque 70 ans plus tard, ce texte n’a pas pris de ride, et c’est assez effrayant. Musique, football, cinéma, Adorno les met dans le même bain, divertissements obligatoires, standardisés et totalitaires, même si Adorno utilise peu le mot.

Tout ça reste assez vague. Et Adorno lui-même met des pages et des pages à purger son énervement pour s’expliquer plus en détail.

D’abord il y a le « fétiche ». Il suffit qu’un morceau passe à la radio et soit présenté comme un morceau « à entendre », pour qu’on se sente obligé de l’écouter et de lui trouver des qualités. La traduction actuelle est dans ces innombrables publicités qui nous vantent comme « film culte » ou « album culte » des produits qui ne sont même pas encore parus! Le paradoxe est grossier, mais il est occulté par l’injonction que représente la publicité. En 1938 la radio n’a pas encore franchi la prte de tous les foyers, mais aux Etats-Unis elle est déjà devenue, aux côtés du cinéma qu’Adorno met dans le mêmesac, un loisir populaire de masse. « La radio, qui a affaibli la musique et l’a en même temps surexposée, est en grande partie responsable de cette situation. » Situation qu’Adorno n’hésite pas à qualifier à la ligne suivante de « décadence ». Nous voilà dans de beaux draps.

« Le principe des stars est devenu totalitaire. Les réactions de l’auditeur semblent faire abstraction de tout rapport à l’exécution même de la musique pour ne plus répondre immédiatement qu’au succès précédemment accumulé. » Conséquence : « il se construit un panthéon de best-sellers. »

On a peine à croire que ces propos datent d’avant-guerre. Le fait que Johnny/Lorie/Michael Jackson/Madonna aient venu des millions de disque suffit à faire acheter leur nouveau disque, et ainsi de suite. Adorno avait donc tout prévu, même Lorie ;-/

C’est sur cette effrayante nouvelle que je vous laisse. Lire a suite de la lecture de cet excellent opuscule.



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